Les webradios enfin légales : interview du président de France Webradios
Le 19 mars, l’association nationale des webradios (France Webradios) et la SCPP (Société Civile des Producteurs de Phonogrammes) ont trouvé une issue pour légaliser les radios sur internet. Cet accord permet en effet de définir un cadre légal pour les webradios en ce qui concerne la diffusion de musique sur les ondes de la toile.
Le 19 mars, l’association nationale des webradios (France Webradios) et la SCPP (Société Civile des Producteurs de Phonogrammes) ont trouvé une issue pour légaliser les radios sur internet. Cet accord permet en effet de définir un cadre légal pour les webradios en ce qui concerne la diffusion de musique sur les ondes de la toile.
Dans les faits, le catalogue des maisons de disque pourra être utilisé en toute légalité – bien évidemment, la webradio devra s’ascquitter de certains droits. Mais le pas est franchi et donne enfin une légitimité et une légalité à toutes les webradios (environ 180 en France).
Nous avons souhaité interroger Sébastien Petit, président de France Webradios, qui a obtenu cet accord. Par-ailleurs fondateur de la webradio ParisOne, dédiée à l’actualité de la musique électronique. Il fait pour nous le bilan de cet accord et donne quelques clés qui vous aideront à créer votre propre webradio, si cette idée vous trottait dans la tête !
– Bonjour Sébastien, vous êtes le président de l’association nationale des webradios. Pouvez-vous présenter cette association, combien de webradios affiliées, depuis quand, quel est son but… ?
France Webradios (Association Nationale des Webradios) est l’association co-fondée en février 2006 par 14 webradios associatives à l’époque des menaces de la loi DADVSI. Elle a pour but de promouvoir ce media et d’en défendre les intérêts tant au niveau national qu’international. Depuis sa création plusieurs chantiers ont été lancés dont celui de trouver un accord avec les différents acteurs de la filière musicale concernant la diffusion de leurs œuvres. Aujourd’hui elle regroupe 17 webradios.
– Combien existent-ils de webradios en France ? Que peut-on y écouter ?
Environ une centaine se sont déclarées auprès de la SACEM mais on estime son nombre à 180 environ. On peut les écouter directement à partir de leurs sites webs ou via des annuaires dédiés comme le site COMFM. Certaines sont référencées directement dans les annuaires des players les plus connus (WinAmp, iTunes, Windows Media PLayer ou Real Player). Enfin, il est possible d’en écouter certaines via le canal 99 de la FREEBOX et/ou sur des postes radio wifi comme ceux de TERRATEC ou COM ONE (licencié par ORANGE en France).
– De quoi a t-on besoin si on veut créer une webradio ?
En premier lieu, il faut beaucoup de volonté et de motivation pour y arriver sachant que le plus dur n’est pas de lancer une webradio mais de la faire connaitre et perdurer dans le temps ! Au niveau technique, il est nécessaire d’avoir au minimum un serveur pour stocker les MP3, un logiciel de programmation, un serveur de diffusion et de la bande passante. Les plus persévérants arrivent à établir des partenariats pour obtenir ces services gratuitement.
Les plus grosses webradios auront besoin d’infrastructures plus lourdes pour pouvoir animer des émissions en direct dans des studios ou offrir un traitement sonore de meilleure qualité.
– Faut-il créer une association ?
Pas nécessairement mais cela est fortement conseillé afin de pouvoir bénéficier de subventions ou de pouvoir facturer des prestations. Enfin, la structure associative est moins lourde à gérer qu’une structure commerciale.
– Quel était le statut des webradios avant l’accord avec la SCPP ?
Les webradios en France nageaient dans le plus grand flou juridique. Même si la SACEM avait mis en place un contrat expérimental, l’intégralité des acteurs de la filière musicale n’étaient pas rémunérés. Fin 2004, la SACEM n’avait même plus les moyens de facturer les webradios auto-déclarées. Le média n’était pas reconnu, voire illégal…
– Cet accord légalise en quelque sorte les webradios. Comment s’est déroulée la discussion ?
L’accord avec la SCPP est l’une des 3 composantes de la légalisation du média. Celui avec la SPPF (officialisé le 2 avril 2007) en est la seconde. Le contrat SACEM sera quant à lui dévoilé fin avril. Une webradio qui aura signé ces 3 contrats sera donc en règle vis à vis des droits d’auteurs et droits voisins.
Les sociétés de perceptions étaient demandeuses d’avoir en face d’elles des représentants des webradios. C’est pour cette raison que nous avons créé FRANCE WEBRADIOS. Nous leur avons apporté des éléments concrêts sur la réalité économique des webradios associatives. Nous avons eu en face de nous des interlocuteurs ayant fait preuve d’une grande ouverture d’esprit. Les SCPP/SPPF et SACEM ne sont pas les “tueurs de webradios” pour lesquels on veut les faire passer. Il faut bien avoir conscience que la musique n’est pas gratuite et c’est pourquoi nous pensons que les accords trouvés sont justes pour l’ensemble des parties.
– Qu’apporte-il aux webradios ?
Une fois ces 3 contrats signés, la webradio devient légale. Elle peut donc toucher des subventions et bénéficier de supports financiers privés de la part de mécènes et/ou parrains. La webradio purra également commercialiser de la publicité sur son antenne.
En outre, les webradios en règle se verront offrir l’accès au Media Music Center du SNEP (Syndicat National de l’Edition Phonographique) qui est une plate-forme de téléchargement musicale gratuite qui fournissait jusqu’à présent du contenu en avant-première et en haute qualité aux radios hertziennes. Il y aura donc une meilleure égalité de traitement entre les radios traditionnelles et les webradios.
Enfin, nous avons négocié l’abandon des fameux DRM qui ont fait trembler le monde webradiophonique au moment de la loi DADVSI. L’obligation de mise en place de ces mesures de protections lourdes techniquement et financièrement auraient tué beaucoup de webradios associatives. Aujourd’hui un simple script modifiant les tags ID3 toutes les 30 secondes est nécessaire pour rassurer les ayants droits. Certains diront que cette mesure sera vite contournée mais il faut savoir que nous avons des obligations de moyens et non de résultats.
– Et quelles en sont les contraintes ?
Il y a 2 choses qui peuevnt êtres perçues comme des contraintes.
La première concerne les restrictions de diffusions comme par exemple l’interdiction de passer plus de 2 titres d’un même artiste dans une période horaire donnée ou alors celle d’annoncer l’heure exacte de diffusion d’un titre.
Il faut savoir que ces restrictions ont été définies au niveau international par le DMCA (Digital Millennium Copyright Act) et que les sociétés de perceptions françaises ne peuvent y déroger. Ces restrictions ont été définies pour protéger les titulaires des droits des œuvres. Cela ne vous empêche cependant pas de programmer une soirée spéciale Madonna sur votre antenne à partir du moment où vous avez obtenu les autorisations du label détenteur des droits.
Un autre article concernant l’interdiction de mixer des œuvres inquiète beaucoup de webradios spécialisées dans les musiques électro (comme Paris-One.com, la webradio dont je suis président). Là encore, il y a la théorie, énnoncée par le contrat, et la pratique. De fait, il est difficile d’imaginer qu’un label ou un artiste électro vous assigne en justice pour avoir utilisé un de leurs titres dans un mix de DJ, tant cette pratique étant monnaie courante dans le milieu des musiques électroniques…
La seconde concerne le coût des forfaits additionnés qui devrait avoisiner les 1600 euros TTC annuels pour une petite webradio. Chacun doit avoir conscience que ces sommes cumulées restent symboliques pour les différentes sociétés de perception et qu’elles représentent un minimum en deça desquelles elles ne sont pas prêtes à aller. La musique n’est pas gratuite et fait vivre beaucoup de personnes. Il est normal qu’elles soient rémunérées pour leur travail. Le budget moyen d’une association en France est de 7.500 euros annuel, celui d’une webradio associative est de 3.500 euros environ. Le paiement des droits représenteront donc 42% du budget ce qui nous a semblé acceptable…
– Suite à cet accord, est-ce qu’une major ou la SACEM peuvent encore faire fermer une webradio ?
Oui. Suite aux accord mis en place, la SCPP, la SPPF et la SACEM feront parvenir leurs contrats aux différentes webradios. Celles qui ne voudront pas payer seront donc hors-la-loi et pourront êtres fermées sur simple demande auprès de l’hébergeur.
– Vous attendez-vous à une explosion des webradios avec cet accord ?
En terme numéraire je dirais plutôt qu’il va y avoir une concentration du marché. Comprenez que certaines webradios vont mourir.
Cependant, je pense qu’une webradio associative qui ne peut subvenir seule à ses obligations financières devrait s’adosser à une webradio plus solide à ce niveau au lieu de décider de “fermer”. En effet, 3 webradios qui se regroupent sous une seule structure éditrice diffusant 3 flux, ce sont des coûts divisés par 3 !
Non seulement elles pourront continuer d’émettre mais elles assureraient leur pérennité, proposeraient des programmes de meilleure qualité et seraient mieux préparées pour faire face aux webradios commerciales lancées par les grands réseaux hertziens !
En effet, il y avait en 2006 un potentiel de 3 millions d’auditeurs agés de 16 à 34 ans, cible privilégiée des publicitaires. Il est certains que ces derniers ne comptent pas partager le gâteau avec les webradios associatives !
Malheureusement, très peu de personnes ont conscience de cela ou veulent entretenir l’individualisme dans le monde webradiophonique associatif…
– Le mouvement des webradios aujourd’hui est-il comparable à l’éclosion des radios libres en 1981 ?
Effectivement, je pense que nous vivons une révolution similaire si ce n’est qu’elle se déroule à l’échelle mondiale sur un média en perpétuelle évolution !
Merci à Sébastien pour ses réponses !
[Droit de suite] Nous avons reçu ces explications complémentaires de la part de Technopol, qui n’a pas l’air tout à fait d’accord avec France Webradios. Voici :
“Nous défendons les webradios électros avec une vision culturelle et réaliste des éditeurs et non une vision trompée et simpliste qui a pour finalité de détruire purement et simplement les plus petits éditeurs.
Lors de l’examen de DADVSI, Technopol n’a pas attendu pour montrer sa totale opposition aux DRM et a tout mis en oeuvre pour interpeller les internautes, les éditeurs et les législateurs.
Parmi les “180” webradios que compte ANW que vous avez interrogé, il y a “au moins” 8 qui sont adhérents chez nous et qui nous ont demandé de défendre leur support.
Nous avons à notre tour rencontré la SCPP et la SPPF pour revoir les conditions du contrat qui ne nous satisfait pas en l’état : les DRM sont bel et bien présents, des menaces pèsent sur la diffusion de musiques électroniques ( remix, bootlegs, etc… ) sans parler des tarifs inadaptés aux micros-éditeurs ou du fait que des particuliers / associations ne souhaitent pas commercialiser l’espace publicitaire sur leur antenne.”
Tout n’est pas encore réglé visiblement…