L’Europe enfonce un coin dans les DRM
La France a pour une fois fait figure de précurseur dans la lutte contre les DRM, en ayant inscrit l’obligation d’interopérabilité dans le projet de loi DADVSI. Rassurons les industriels : cette obligation a été retoquée par le Sénat. Mais d’autres pays ont repris le flambeau et c’est désormais une vague anti-DRM qui menace les boutiques de musique en ligne, iTunes en tête.
La France a pour une fois fait figure de précurseur dans la lutte contre les DRM, en ayant inscrit l’obligation d’interopérabilité dans le projet de loi DADVSI. Rassurons les industriels : cette obligation a été retoquée par le Sénat. Mais d’autres pays ont repris le flambeau et c’est désormais une vague anti-DRM qui menace les boutiques de musique en ligne, iTunes en tête.
En France
Lors du débat houleux de la loi DADVSI à l’Assemblée, une mesure retient particulièrement l’attention : un amendement déposé par le PCF et le PS fait, à la dernière minute, obligation d’interopérabilité. Quand on achète un titre sur le Music Store, on aura le droit de l’écouter sur un baladeur autre que l’iPod. À l’inverse, un album acheté sur FnacMusic pourra être lu sur les baladeurs Apple, toutes choses impossibles à l’heure actuelle.
De cet article de loi a découlé un branle-bas de combat de la part d’Apple et de tous les industriels impliqués dans ce marché. Même le Secrétariat au Commerce US y est allé de sa rodomontade contre le gouvernement français, qui de son côté n’était pas à la base partant pour inscrire l’interopérabilité dans le code génétique de la loi. Lors de la lecture de DADVSI au Sénat, le gouvernement a été trop heureux d’agir en coulisses pour retoquer cet amendement… et donner enfin les pleins pouvoirs à l’industrie et aux majors, comme il était convenu dès le départ !
Bref, ce baroud d’honneur des opposants à la loi DADVSI a fait long feu… en France, puisque c’est désormais au tour des pays Européens de vouloir légiférer contre les DRM et, partant, pour l’interopérabilité entre tous ceux qui veulent croquer un bout du gâteau de la musique en ligne.
En Scandinavie
La deuxième salve est venue de Norvège ! Une association de consommateurs conteste les conditions d’utilisation du Music Store, pas conforme au droit local. Apple a jusqu’au 21 juin pour modifier ces fameux droits, sinon Cupertino devra payer des amendes sans doute assez salées… À moins que Steve Jobs, dans un mouvement d’humeur dont on sait qu’il est coutumier, décide de se retirer de Norvège. D’autant qu’il n’y a pas que les droits d’utilisation qui posent problème : derrière cet arbre, il y a la forêt des DRM utilisés par iTunes, FairPlay, qui sont fortement contestés par le législateur novégien. Cupertino a d’ailleurs jusqu’au… 21 juin pour répondre à ses questions ! Pour ce faire, le médiateur a un argument-massue : “[FairPlay] ne protège pas du piratage, au contraire, il l’encourage. Si les consommateurs ne peuvent copier sur leur téléphone mobile une chanson achetée sur iTunes, il se débrouilleront pour en trouver une copie gratuite”. Et pan dans les dents des majors !
Le souci pour Apple, c’est que la Norvège n’est pas isolée : la Suède et le Danemark demandent également des éclaircissements sur la politique de Cupertino dans le domaine. Et si les réponses de la Pomme ne satisfont pas aux autorités locales, rien ne les empêchera de prendre des mesures coercitives pour obliger les DRM à s’ouvrir.
En Grande-Bretagne
Incroyable mais vrai, au pays du libéralisme économique, on cherche également à imposer l’interopérabilité ! Et ce n’est pas n’importe qui qui le demande, mais le BPI, la British Phonographic Industry elle-même, qui déplore la position dominante du Music Store. Selon la puissante association des majors du pays, la concurrence serait faussée et, mieux encore, elle réclame qu’Apple se tourne vers l’interopérabilité ! C’est d’ailleurs le monde à l’envers puisqu’à la base, ce sont les maisons de disque elles-même qui ont imposé les DRM à Cupertino, mais cette industrie n’en est plus à une contradiction près…
Pourquoi Apple ?
Après tout, les DRM ne sont pas une création issue exclusivement des labos d’Apple, puisque c’est Microsoft qui a proposé le premier de verrouiller des fichiers numériques (rappelez-vous le barouf provoqué par Palladium, ancêtre de Longhorn qui devint Vista). Mais Apple occupe aujourd’hui la place de numéro 1 de la vente de musique en ligne – et malgré l’absence de véritables chiffres sur le sujet, on peut également dire que le Music Store squatte la première marche pour la vente de vidéo. Le premier adversaire des DRM, et principaux partisans de l’interopérabilité, reste donc Cupertino pour qui, actuellement, ouvrir son système propriétaire serait se tirer une balle dans le pied (et ça fait mal). La Pomme aura t-elle pour autant le choix ? Car, à moins qu’elle ne décide de se retirer de tous les pays dans lesquels une action est en cours, elle devra composer avec les législations locales. L’Europe, et sa myriade de pays est en pointe dans ce domaine, et la “coalition” des pays nordiques démontre la volonté de s’unir contre le fléau planétaire des DRM. Reste à connaître l’avis de la Commission Européenne, ainsi que des autres pays… Et qu’Apple ne compte pas se replier sur les États-Unis, le mouvement anti-DRM commence aussi à faire parler de lui là-bas !