Nouveau coup sur la riposte graduée

L’exercice tient désormais du tir aux pigeons dans une ambulance : ce sont à présent les sénateurs qui ont, en commission et à la veille de l’examen de la loi «favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet» en séance publique, qui ont désavoué la riposte graduée telle que théorisée par les deux derniers ministres de la Culture, en remplaçant la coupure internet par une amende.

Argument de bon sens avancé par les «sages» de la Haute Assemblée qui en ont profité pour éliminer au passage la création d’un fichier – un de plus – des téléchargeurs : difficile de se prévaloir d’une démarche pédagogique et de promotion des canaux de diffusion légaux quand l’accès au net est coupé, la sanction étant également synonyme de coupure de téléphone et de télévision dans un certain nombre de zones… La suspension d’abonnement a été remplacée dans un amendement par l’application d’une amende, majorée dans le cas où les œuvres téléchargées seraient disponibles légalement. Mme Albanel a «regretté la logique beaucoup plus répressive» de l’amendement sénatorial. Le 5 octobre, la commission Européenne avait fait savoir qu’elle refusait de revenir sur l’amendement 138 du Paquet Telecom voté par le parlement européen, lequel garantissait également aux citoyens l’accès aux services fondamentaux dans la société de l’information (voir l’Edito du 6 octobre), malgré les tentatives du gouvernement français pour minimiser la portée du vote et ses conséquences (voir l’interview d’Olivier Henrard, ainsi que l’Edito du 10 octobre).

Par ailleurs, on apprend que Pascal Negre, après s’être fait tirer l’oreille pendant des années, aurait finalement décidé d’ouvrir petit à petit le catalogue d’Universal Music France débarrassé des DRM… d’abord sur les mobiles du réseau SFR, charité bien ordonnée commençant par soi-même. Argument du magnat du CD : «Cette loi va nous protéger, donc recréer de la confiance. Après ces tests et si la loi est votée, il y aura une généralisation à l’ensemble du catalogue et des plates-formes». Encore faudra-t-il que la Major s’attache réellement à jouer le jeu en ouvrant largement son «back catalogue» et en se tenant à pratiquer des prix décents, ce qui n’était pas le cas jusqu’à un passé très récent. Aussi intransigeant qu’il ait pu paraître un moment, c’est le patron d’Apple qui pourrait en définitive avoir eu raison avant tout le monde, et en tous cas malgré tous les «professionnels de la profession»…

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