Neuf et Universal à contre-courant
Quelle mouche a donc piqué Neuf Cegetel ? Le fournisseur lance en effet cette semaine NeufMusic.fr, une offre de téléchargement “illimitée” à destination de ses abonnés. Sur le papier, les choses sont simples : 150 000 titres et 3 000 clips vidéo sont disponibles, soit gratuitement si l’on se cantonne à un genre musical, soit sur l’ensemble du catalogue proposé si l’on souscrit au forfait “Optimal”. Las, ce dernier se résume de fait au catalogue d’Universal Music, recyclé pour l’occasion dans la énième tentative de la Major française de faire cracher les FAI au bassinet.
La démarche n’est pas neuve. Elle peut même servir de fil conducteur pour la lecture de la stratégie d’Universal en France en particulier : essayer de trouver de nouvelles rentes tous azimuts, et singulièrement auprès des fournisseurs d’accès internet accusés de favoriser le pillage des œuvres protégées. Dans les faits, ce qui est présenté comme une nouveauté s’apparente plutôt à un retour en arrière ; téléchargement limité à 3 ordinateurs et 3 baladeurs, pas de possibilité de graver sur CD, et la nécessité de se connecter 1 fois par mois au site pour renouveler les autorisations : on se croirait revenu au tournant des années 2000, avec une offre de location de plus comme toutes celles
qui ont échoué ou vivoté avant l’introduction d’iTunes Music Store… et depuis lors ! Car malgré ses limitations, le disquaire d’Apple a montré que le modèle de l’achat définitif avait emporté l’adhésion. Mieux, ce sont à présent les DRM qui sont unanimement montrés du doigt comme le principal verrou, non à la copie des morceaux mais bien à la maturation définitive du marché de la musique dématérialisée.
Or en faisant une nouvelle fois appel au système de protection de Windows Media Player et en s’adressant aux seuls baladeurs compatibles à l’exclusion des iPod quand la tendance porte précisément à l’abandon des DRM, Universal et Neuf n’ignorent pas qu’ils s’adressent à la seule “queue du marché”. Ce faisant, ils ne se coupent pas seulement de 70 à 80% du marché des baladeurs. Pour grappiller 4 sous ils sont à contre-courant de l’Histoire, et vont probablement fabriquer des déçus qui alimenteront le piratage.
