L’iPad sur les traces de l’iPod ?
Difficile de faire la fine bouche : la très attendue tablette présentée ce soir par Apple marche dignement sur les traces de l’iPod et l’iPhone qui ont précédé, à un tarif véritablement révolutionnaire pour Apple.
Soyons clairs. Les commentateurs auront beau faire comme d’habitude la fine bouche au début, avant de succomber aux charmes ensorcelants des produits estampillés d’une pomme une fois l’appareil en main ; à l’autre extrémité du spectre, les aficionados de la marque pourront crier une nouvelle fois au génie : les révolutions succèdent aux révolutions et ce qu’Apple vient de réussir avec l’iPad tient tout simplement de l’exploit.
Le californien vient tout simplement de réinventer à la fois le concept de tablette PC, 10 ans après les premières tentatives de Microsoft, qui n’avait jamais pu trouver son public depuis le début des années 2000, de réinventer à la fois le manuel scolaire et l’ardoise de la communale, tout en trouvant la solution à l’épineux problème des Netbooks qui, jusqu’à ces derniers trimestres, représentaient le plus clair de la croissance de l’industrie sur le segment des ordinateurs portables où il avait soigneusement refusé de se risquer.
Et comme à l’ordinaire, la solution trouvée est un subtil mélange d’élégance et d’ingénierie matérielle avec une réflexion pointue sur ce que sont les usages et les véritables besoins de l’utilisateur en matière de logiciels. L’écran LED de 9,6 pouces qui utilise la technologie IPS (In Plane Switching) développée par Hitachi permet ainsi un rendu très étonnant et un angle de vision de 178° avec un rendement énergétique appréciable et un prix très compétitif, quand on attendait plutôt un écran LCD ou AmOLED en fonction des modèles. Il n’y aura donc pas de modèle au rabais, et la différenciation se fait uniquement en fonction de la capacité de stockage – 16, 32 ou 64 GB de mémoire flash – ou de la capacité de communication sur les réseaux 3G, en plus des connectiques Wifi et Bluetooth communes à l’ensemble de la gamme. La coupure du cordon ombilical est enfin consommée !
Il n’est jusqu’à la puce maison, pour la première fois développée en interne depuis l’abandon de plate-forme PowerPC grâce à l’équipe de PA Semi emmenée par Dan Dobberpuhl, qui ne soit présentée avec une fréquence d’horloge unique de 1 GHz. On n’avait pas vu ça peut-être depuis les premiers modèles de Macintosh au début des années 80 ! Quant à l’aspect, l’idée comme on pouvait s’en douter, est absolument « raccord » avec la ligne unibody de la gamme nomade Apple, iPad ressemble en effet à un couvercle de MacBook air d’environ 24 cm sur 19, d’une épaisseur d’à peine 12 mm et demie pour un poids compris entre 680 et 730 g en fonction des options de connexion choisies. Quant à l’autonomie fournie par la batterie ion-polymère, elle est à la mesure de ce que ses homologues, également développés en interne par Apple, proposent depuis l’année dernière sur l’ensemble de la gamme nomade : pas moins de 10h de fonctionnement en connexion, et plus d’un mois en veille !
Quant aux logiciels, ils ont été entièrement repensés à partir de l’expérience iPhone pour être adaptés à l’interface Multi-Touch qui prend ici, sur un écran de format A5, toute sa dimension. L’économie semble une fois de plus au rendez-vous, tout en tirant le meilleur parti d’iPhone OS qui pourra bénéficier, sans aucune modification de la part des développeurs, de la base logicielle de 140 000 applications d’ores et déjà disponibles pour iPhone. La saisie au clavier, qui monte comme une couche Sproutcore supplémentaire par-dessus l’application, semble beaucoup moins étriquée que sur l’écran 3,5 pouces de l’iPhone ; même l’interface de la version d’iTunes destinée à la petite merveille a subi un lifting qui semble salutaire, et que l’on attend en tout cas avec impatience pour son homologue présent dans la version classique Mac OS X.
Mais surtout, avec iBooks, Apple réitère le hold-up réalisé en 2003 avec iTunes Music Store : L’application permet en effet à la fois de lire confortablement des ouvrages au format numérique et achetés en ligne, dans une boutique au « look and feel » d’un petit logiciel indépendant baptisé Delicious Library, et dont la société a commencé de débaucher les développeurs voici trois ans à défaut de racheter le logiciel ! Quant à la presse, dont un certain nombre de représentants éminents avait d’ores et déjà choisi de revenir à un modèle économique payant, en l’absence d’un lecteur spécifique qui aurait imposé un format non moins spécifique et donc aurait bridé la créativité des maquettiste, ceux-ci peuvent continuer à bénéficier de leurs applications développées en propre, s’il le faut avec des formules d’abonnement comme c’est le cas, par exemple en France, du quotidien Libération.
Quant à la version spécifique d’iWork, dont Pages, Keynote et Numbers seront vendus à la pièce pour 10 $, elle achève de faire de l’iPad le cheval de Troie pour le secteur du primaire et du secondaire qui manquait encore à Apple pour que sa victoire soit complète dans le secteur de l’éducation… Même si les étudiants ne devraient pas être en reste : pour la plupart des tâches courantes sur le campus, l’iPad devrait faire amplement l’affaire et permettre de remplacer avantageusement un ordinateur portable de plusieurs kilos.
Enfin, les accessoires comme le socle ou la possibilité d’utiliser le clavier Bluetooth du Mac achèvent de faire de l’iPad le device à tout faire dont chacun peut facilement imaginer ne plus pouvoir se passer. Quant au prix, celui-ci commence à partir de 499 $ à peine. Sera-t-il éventuellement subventionné par les opérateurs dans la version 3G ? Rien n’est moins sûr, Steve Jobs ayant pris soin de préciser qu’aux États-Unis les différents abonnements proposés ne comporteraient pas de durée minimale d’engagement. Il reste néanmoins que la pomme s’est donnée jusqu’à fin juin pour négocier avec les opérateurs étrangers : il faudra donc attendre cinq mois avant de pouvoir disposer ici de la version HDSPA. Le temps de faire monter le désir, et de gonfler les comptes en banque ?
26 ans après, Apple vient tout simplement de réinventer l’album et calepin électronique… à emporter.