L’avenir des serveurs chez Apple
À l’heure où les professionnels se réjouissent de l’arrivée dans la gamme Apple d’une machine au format industriel, il semble que cette famille de serveur monobloc soit en perte de vitesse face à un successeur encore moins encombrant.
La taille des serveurs dits « rackables » se mesure en hauteur. On les empile dans des baies standardisées de 42 unités de hauteur. Vous comprenez bien que dans ces conditions, l’arrivée d’un serveur Apple mesurant 1 unité (1U) présente un avantage certain face aux PowerMac G4 mesurant au mieux 2U [[moyennant l’achat du PowerMac chez Grande Vitesse Systems, ici.]], et en général 6U.
Les autres entreprises n’ont pas attendu Apple pour proposer du matériel rackable. Des boîtiers industriels en métal brut à remplir soit même aux plus évoluées des machines Sun, tous rivalisent d’ingéniosité pour répondre à la demande des clients potentiels. Ainsi nous avons des boîtiers de 1 à 24U (oublions les serveurs d’application qui sont aussi grands qu’une baie entière). Ces boîtiers renferment des ordinateurs, des super-calculateurs, des onduleurs, des bandes magnétiques d’archivages, des séries de disques durs en RAID. Toutes ces machines peuvent disposer d’alimentations, de disques, de ventilateurs ou même de processeurs redondants interchangeables à chauds, en plus de tout un tas de gadgets.
Apple propose le Xserve, qui au mieux de sa forme inclut deux G4, 2Go de DDR, et quatre disques durs IDE. Soit six fois plus de processeurs, et six fois plus de RAM qu’un G4 tour, par unité (laissons les disques durs de côté). C’est un net progrès, mais la course à la densité fait toujours rage.
Cette « course à l’armement » se justifie de plusieurs manières. D’une part, le rapide développement d’Internet a rendu nécessaire la création de machines de puissance moyenne, économiques et peu encombrantes. D’autre part, le clustering [[Grappe de machines travaillant toutes à la même tâche.]] avec des solutions Linux/UNIX de plus en plus optimisées prend tout son sens avec des machines de petites tailles, et pouvant former des solutions hautement modulaires.
L’intérêt de ces solutions est immédiat : on peut placer jusqu’à vingt-quatre lames dans un châssis de 3U, soit vingt-quatre fois plus de processeurs et vingt-quatre fois plus de RAM (la RAM ECC monte jusqu’à 2Go par barrette) qu’avec un G4 tour, par unité.
Un châssis 3U contenant vingt-quatre serveurs utilise douze fois moins de câbles que l’équivalent en serveurs 1U monoprocesseur. De même, chaque lame consomme entre 50 et 80% d’énergie de moins qu’un serveur 1U.
Ces solutions sont donc très modulaires, puisque selon vos besoins, vous disposerez d’une à vingt-quatre machines dans un espace de 3U. Outre ces effets d’échelle, il est possible de jouer sur d’autres équipements. On peut par exemple ajouter une lame dédiée servant de switch, ou de passerelle d’administration sécurisée pour les autres lames. Il est aussi probable que l’on voit apparaître sous peu des lames dédiées au chiffrement de données pour le commerce électronique ou les VPN.
Être pionnier ne veut pas dire être leader (n’est-ce pas M. Jobs). RLX a donc à faire avec une concurrence féroce de la part des leaders de l’industrie informatique. Dans les douze derniers mois Dell, HP-Compaq, Sun et IBM se sont lancés sur ce nouveau marché.
Les estimations actuelles [[voir l’article d’osopinion sur le sujet : ici.]] indiquent que le marché des serveurs lame est de 133 millions de dollars US. Des analystes promettent cependant un marché de 4 milliards de dollars sous moins de quatre ans. RLX, petite entreprise parmi les géants d’une industrie mise à mal par un contexte économique difficile, risque de ne pas profiter de cette niche en pleine expansion.
Il est certain que, pour pouvoir réduire leurs coûts d’exploitation, de plus en plus de professionnels des « Technologies de l’Information » vont se tourner vers ces solutions de haute densité, que ce soit pour le traitement (calcul scientifique, parc de rendu… ) ou pour les services internet (web, mail… ).
Dans ce contexte quel positionnement peut adopter Apple pour être compétitif sur le marché des serveurs ?
C’est un fait, Apple n’a pas sa place sur le marché du web conventionnel. Il faut être fou ou passionné (ou très riche) pour servir de l’Apache et du sendmail sur un Xserve quand des solutions x86 plus souples et moins coûteuses existent. C’est donc vers les applications de calcul intensif qu’il faut se tourner si on veut imaginer un avenir à Apple dans la niche des serveurs de haute densité. Les scientifiques se sont régalés à l’arrivée du Xserve, promesse d’une vraie solution professionnelle à leur besoin de modélisation moléculaire, météorologique, ou quantique. Certains avaient même pris les devants pour déchaîner la puissance du G3 et du G4 en assemblant des grappes de PowerMacs impressionnantes. Le besoin de solutions haute densité existe donc bel et bien. Et d’ailleurs ces solutions existent, mais pas chez Apple.
CSPI par contre, a développé de vraies machines de guerre. C’est d’ailleurs souvent à des applications militaires que servent ses FastClusters, notamment en traitement du signal radar. Ces châssis d’un peu plus de 20U hébergent de 64 G3 à 128 G4. Le “Fastcluster Desktop 16 plus” de 3U peut quant à lui accueillir 4 lames de 4 processeurs indépendants et une lame monoprocesseur pour la gestion de l’appareil et l’interface avec les utilisateurs. Ces machines extrêmement coûteuses ne peuvent néanmoins pas rivaliser avec les très économiques serveurs lame à usage général. Bien sûr je ne fais aucune considération de puissance ici, ce sont surtout l’écart de prix de deux ordres de grandeurs [[Deux ordres de grandeur séparent les centaines des unités, les millions des dizaines de milliers…]] et les embargos sur les supercalculateurs qui restreignent l’accès à ces monstres.
Après avoir établi ce rapide bilan de la situation des serveurs haute densité, il apparaît clair qu’Apple a une carte à jouer. Entre les très économiques serveurs lame x86 d’utilisation générale et les supercalculateurs hors de prix le Xserve semble chercher sa place. L’offre logiciel d’Apple en est une preuve flagrante, on ratisse large chez la Pomme. Du petit serveur de fichier au noeud dans une grappe de calcul scientifique, il semble que le duo Xserve-OSXS ait été taillé pour satisfaire vaguement tout le monde. C’est une position prudente et consensuelle pour notre agitateur préféré, mais le contexte économique se prête assez peu à l’extravagance. Cependant, j’imagine sans peine que dans un contexte plus favorable, Apple pourrait nous livrer d’une part des serveurs mono ou bi-processeurs avec 4 disques pour les applications à gros volumes de données [[serveur d’entreprise : fichier, impression, intranet…]], et d’autre part des serveurs à 4 ou 8 processeurs pour les applications de calculs ultra intensifs. Bien sûr, actuellement, rien ne justifie un changement dans l’offre d’Apple. Mais le marché est fait par l’industrie, et cette industrie est en train de migrer vers des serveurs à forte densité. Aujourd’hui un bi-processeur d’1U est une très bonne offre, mais dans 2 ans ? Apple est il condamné à suivre la concurrence ?
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