John C. Dvorak chez Apple?
Cela devait arriver : depuis le temps que John Dvorak assène ses déconcertantes certitudes avec un aplomb non ébranlé par le fait qu’elles se révèlent aussi inévitablement que spectaculairement fausses, notre ami Boro a vu rouge…
Tout le monde a ses petits plaisirs, un peu honteux, solitaires de préférences ou à la rigueur à partager en échangeant des sourires complices avec quelques potes très proches,
le genre de choses dont on est pas spécialement très fier mais que l’on fait tout de même, avec un sentiment de triomphe par rapport à la transgression qui participe pour beaucoup à la chose et qui pourrait se définir par tout ce que notre maman était obligée de se fâcher pour nous l’interdire, jusqu’à peu près l’âge de 7 ans… Alors ce peut-être tour à tour mais pas forcément à la suite ou dans cet ordre [[du moins on l’espère ;-)]] se fourrer consciencieusement les doigts dans le nez, se goinfrer de confiseries multicolores ou de chocolat de ménage jusqu’à l’écoeurement, de préférence avec la bouche ouverte et en faisant un maximum de bruit, ou bien se moquer des particularités physiques de son prochain.
Je dois vous avouer que la variante qui consiste à regarder le cuistre sentencieux qui vous agace depuis des années s’enfoncer davantage en essayant de rattraper la sottise qu’il vient de proférer du ton définitif qui lui est coutumier est pour moi un plaisir de gourmet.
Oh certes, elle est à peine plus énorme cette fois-ci que celles dont il a l’ habitude et qui même ont fait son petit succès, mais suffisamment pourtant pour que cette fois-ci la vérité éclate au grand jour :
ce type est un indécrottable crétin. La plus belle représentation de ce sentiment parfaitement névrotique est illustrée dans le film de Woody Allen Annie Hall, lorsqu’excédé par les stupidités que profère doctement le type en train de faire la queue derrière lui à propos de son auteur préféré, il convoque ledit Marshall McLuhan pour faire publiquement la leçon au raseur prétentieux et lui déclarer qu’il n’a rien compris à son travail. Et Woody Allen de se tourner vers la caméra pour s’adresser au spectateur : “Ah, si la vie pouvait toujours être comme çà…”
Or c’est précisément un de ces moments rares dans l’existence que vient de nous offrir le désormais célèbre John C. Dvorak dans sa dernière livraison. Je n’ai personnellement jamais réussi à démêler qu’est-ce qui, du besoin de faire parler de lui, de la bêtise auto-satisfaite ou de la simple méchanceté tenait le plus dans ses inénarrables chroniques, mais toujours est-il que le bonhomme, après avoir des années durant figuré parmi les plus féroces contempteurs de la Pomme, arbitre des élégances informatiques et laudateur zélé de tout ce qui touche de près ou de loin à la firme de Redmond. Moins d’un mois après avoir prédit la fin du monde Apple tel que nous le connaissons et le basculement vers les processeurs Intel d’ici 12 à 18 mois, le voici qui récidive en prédisant au passage rien moins qu’un renversement de Microsoft au profit d’Apple, le bouleversement complet du leadership dans l’industrie de la micro-informatique ainsi que la disparition d’AMD, sans doute pour faire bonne mesure.
“Le poumon, le poumon vous dis-je…” Entre-temps, notre Diafoirus des temps modernes s’est découvert une nouvelle marotte avec le 64-bit, censé expliquer et prédire tous les bouleversements en chaîne promis à l’industrie de la micro-informatique, entrevus sans doute lors de sa dernière crise comitiale : Apple, rendu fou par les 95% de parts de marché qui lui échappent, signe un pacte contre nature avec Intel qui rêve pour sa part de faire un enfant dans le dos à Microsoft et d’imposer au monde entier son Itanium, et ce pour faire échec à l’alliance occulte entre AMD et Microsoft qui pourrait bien faire le choix de l’Athlon 64 contre ledit Itanium… Acculé au bord du gouffre [[Ne cherchez pas, Apple est toujours au bord du gouffre par définition dans le monde merveilleux de Mickael Dell et de John Dvorak]] avec le rachat de Connectix par Microsoft, Apple, rapide comme l’éclair, porte OS X pour l’Itanium et présente à la surprise générale [[excepté à celle du clairvoyant John Dvorak]] une machine syncrétique abritant en son sein le PPC 970 et le fameux Itanium injustement délaissé. Puis, fort de son succès, Apple pousse plus loin son avantage et produit une version d’OS X pour la famille x86 fin 2003 et la vend directement aux constructeurs de PC comme BM, HP ou Dell qui n’attendaient que çà et qui même n’osaient pas le lui demander…
Arrivés à ce stade, vous vous dites que Dvorak va se réveiller en sueur, surtout si vous connaissez un petit peu ses chroniques, et qu’il va s’asseoir d’un seul coup dans son lit en hurlant, ou alors que l’infirmière va rentrer dans sa chambre pour lui faire sa piqûre… eh bien non, il continue : fin 2004 ou peut-être en 2005 et alors même que le nouvel OS d’Apple commence a remporter un franc succès, Cupertino porte l’estocade et sort sa propre machine à base de x86 à prix ultra compétifs [[Il doit sans doute les faire fabriquer par des armées d’Atlantes et de Lémuriens réduites en esclavage par le Manda Rom]], en retirant petit à petit ses PowerPC [[oui, entre-temps il a oublié le 64-bits, ne cherchez pas…]] et toute la communauté Linux rejoint le MacIntel en portant d’un coup ses parts de marché de 25 à 50%… Et Dvorak de conclure qu’ Apple a même là l’occasion de mettre Microsoft définitivement hors du coup…
Apple a annoncé récemment publiquement qu’il se mettait en quête d’une personnalité indépendante pour son conseil d’administration, et l’on peut se demander si, lassé d’attendre une reconnaissance qui tarde à venir de la part de Redmond et d’être la risée d’une bonne partie de la communauté internet semaine après semaine, John Dvorak n’a pas décidé de postuler pour une sinécure à Cupertino comme il l’avait fait de façon moins discrète à Microsoft dans une de ses chroniques en novembre 2001 intitulée sobrement : “placez Dvorak au comité de prospective de Microsoft” [[Les liens vers les chroniques les plus anciennes du bonhomme ont fort opportunément disparu cette semaine]]… et l’on est en droit de se demander si Dvorak serait vraiment le candidat idéal. Quand à ceux qui pourraient objecter qu’il ne lui viendrait quand même pas l’idée d’aller jusque là, je répondrais en citant l’aphorisme désormais célèbre de Michel Audiard : “Les cons çà ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît…”
– How the MacIntel Will Change the Market
– Le script d’Annie Hall
– Les archives Dvorak chez PCMag
– Put Dvorak on Microsoft Oversight Committee