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Événement

iPad, l’ordinateur qui change tout

Une nouvelle ère s’ouvre avec iPad, que ce soit en matière d’édition, d’informatique et même pour la marque elle-même désormais plus que jamais « grand public »

Boro

Publié le

 

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Un nouveau chapitre de la connaissance a commencé de s’écrire samedi, avec le lancement de l’iPad. Si les chiffres officiels de 300 000 exemplaires vendus en une journée ne dépassent pas, ou peu s’en faut, celui des 500 000 iPhone qui s’étaient arrachés le premier week-end de sa commercialisation en juin 2007, c’est bel et bien une nouvelle page de l’histoire de l’informatique et de l’imprimerie qui a commencé de s’écrire, dans un premier temps aux États-Unis. Ce lancement-ci était d’ailleurs sensiblement différent des précédents puisque, mettant à profit l’expérience de ses partenaires européens pour leur propre lancement de l’iPhone 3G en 2008, Apple avait mis en place le système de pré-réservation pour son iPad, près de trois semaines à l’avance.

Des enchaînements désormais bien rodés…

Même si du coup, les files d’attente devant les Apple Store ont été moins délirantes qu’attendu par les analystes, du moins dans les petites villes des États-Unis, la performance n’en n’est pas moins remarquable, compte tenu que seule la version Wifi de la tablette à la pomme était disponible pour l’heure, la version 3G du nouvel appareil n’étant-elle pas attendue avant la fin avril sur les linéaires américains, c’est-à-dire en même temps que les premiers iPad européens et canadiens.

La séquence est connue, au point de laisser une impression amusée de « déjà vu » : l’annonce du produit par Steve Jobs en personne voici quelques semaines à suscité son lot habituel de dithyrambe et de moues désabusées, avant le lancement effectif et son feu d’artifice de critiques élogieuses. Bien entendu, les enthousiastes de la marque ont fait la queue comme il se doit et, comme on l’a vu, pour le grand bonheur de la presse qui, après avoir raillé le « Jesus phone », attendait la tablette d’Apple depuis plusieurs semaines comme le Messie. Une poignée de tracassins a même réussi à chaparder son quart d’heure de célébrité en martyrisant un iPad sous l’objectif de leur téléphone portable, à peine franchi la porte du magasin. Le reflet de leur médiocrité, renvoyé par l’écran, aura sans doute été trop difficile à supporter…

«Du juste-à-temps» au «pas fini»…

Quant aux critiques, celles-ci ne manqueront pas non plus, une fois retombée l’excitation de la nouveauté et, la poussière d’étoiles qui accompagne chaque lancement, évaporée. Elles seront d’ailleurs justifiées : il manque notamment à ce premier modèle de la lignée destiné en priorité au marché grand public et à celui de l’éducation, une webcam pour le chat, ainsi qu’un logiciel de reconnaissance d’écriture, pour être pleinement utilisable sur le marché du supérieur où Apple peut tailler des croupières à ses concurrents sur le segment des ordinateurs portables conventionnels : doit-on y voir une segmentation artificielle du marché, histoire d’encaisser plus aisément la bousculade des premiers acheteurs ? Cette première mouture devrait, à n’en pas douter, faire tout de même le bonheur des lycéens et des collégiens de certains territoires privilégiés… au nombre desquels on trouve bien entendu la Californie. Prévu également pour travailler, l’iPad est probablement le seul ordinateur du marché à avoir osé faire l’impasse sur l’intégration du format Flash : pourra-t-il attendre jusqu’à la généralisation du format HTML 5 ?

En outre, l’iPad souffre de quelques défauts de jeunesse, malheureusement quasi systématiques à chaque nouvelle sortie d’un produit Apple, mais qu’une ou deux mises à jour logicielles devraient voir rentrer dans l’ordre, ne serait-ce qu’avec la nouvelle version d’ iPhone OS qui va pointer un bout de son museau dès le 8 avril prochain, avant une sortie définitive probablement coordonnée peu ou prou, avec la traditionnelle conférence des développeurs de juin.—–

Une rupture paradigmatique

Mais ne nous y trompons pas : c’était une véritable rupture paradigmatique que l’informatique est en train de traverser, et celle-ci est comparable, en accéléré et par bien des points, à celle traversée par l’aéronautique et le transport aérien à la fin des années 50.

Seigneur incontesté des voyages intercontinentaux durant les années 30, l’hydravion n’était en fait qu’un compromis hybride issu du croisement, entre un médiocre aéronef et une embarcation encore plus détestable, peu fiable et particulièrement coûteux à mettre en œuvre. De fait, les voyages, les «croisières aériennes transatlantiques» étaient réservés à une petite élite fortunée et au transport d’un courrier lourdement surtaxé. Avec l’amélioration de la fiabilité des machines, et l’ augmentation de l’autonomie et de la capacité d’emport des appareils induite par la généralisation du turbo propulseur, puis réacteur, les usages sont bouleversés et des trajets de plusieurs heures presque sans coup férir son désormais possibles. L’hydravion devient rapidement obsolète, aujourd’hui réservé à quelques usages bien particuliers.

Or c’est bien le destin qui attend à court terme l’ordinateur portable tel que nous le connaissons aujourd’hui, et qui représente 60% du volume du marché de la micro informatique : l’iPad vient en sonner le glas en plaçant avantageusement par sa maniabilité pour la plupart des tâches courantes auxquelles ils étaient employés. Dans la plupart des cas, le laptop et tout d’abord le Netbook sera bientôt remplacé par l’iPad, ses successeurs et ses concurrents pour ce qui est de lire, écrire, compter, jouer, surfer, présenter des contenus ou consulter ses mails en situation de nomadisme. [[A ce compte-là, les chamailleries entre Steve Jobs et Éric Schmidt devraient d’ailleurs très rapidement être mises sous le boisseau : 12 millions d’ouvrages numérisés et immédiatement disponibles pour les États-Unis valent bien un peu de pragmatisme…]]

A cet égard, le symbole du Dell XPS 2010, tentative de PC « portable» de 20 pouces de diagonale présenté par Mickael Dell en janvier 2006 restera sans doute dans l’histoire de la technique comme celui le H-4 Hercules Spruce Goose imaginé au début des années 40 par Howard Hugues, un autre Texan passionné et un tantinet mégalomane… :langue

Quelle est du coup la technologie privilégiée par Apple pour sa nouvelle lignée des puces intégrées que préfigure l’A4 de l’iPad : ARM comme l’iPhone, ou POWER comme la technologie privilégiée par l’équipe de PA Semi, au moins jusqu’à son rachat par Apple…Last but not least, qu’est devenue la partie « PowerPC » du code de Mac OS X, abandonnée avec le lancement Snow Léopard ? A tout hasard, nous avons posé la question à un Steve actuellement en veine de confidences, mais qui n’a bien entendu pas été jusqu’à s’épancher jusque là… :langue—–

Du rest of us à M. Tout-le-monde ?…

Pour autant, c’est l’image d’une marque grand public qui est en train de s’installer petit à petit dans le paysage, avec pour Apple le changement de la sociologie de sa clientèle entamé avec le développement de son propre réseau de magasins « en dur », concomitant du lancement de l’iPod, et poursuivi grâce à l’adoption de fournisseurs de microprocesseurs aussi connus qu’IBM à partir de 2003, alors qu’Apple lançait en 2 fois son Music Store à l’assaut de la planète, et pour finir le génial switch vers Intel à compter de 2006, perçue à tort ou à raison comme une « politique des petits pas » en direction des utilisateurs du monde PC. Une fois la transition achevée, Apple s’est donné pour domaine l’ensemble du marché grand-public avec l’iPhone, abandonnant de fait le mot «computer» de sa raison sociale pour investir potentiellement le champ des activités humaines tout entier.

Après avoir soustrait l’ordinateur du bureau, voire du coin de table où il était cantonné jusqu’ici pour le glisser dans (presque) toutes les poches et bientôt sur la plupart des genoux, le prochain défi pour Apple sera de prendre durablement sa place dans la salle de séjour et sur le canapé, où les Nintendo, Sony et autres Microsoft sont pour l’heure confortablement installés.

C’est d’ailleurs tout sauf un hasard si Steve Jobs et Scott Forstall ont mis en scène la présentation de l’iPad à la presse depuis le cuir moelleux d’un canapé, en lieu et place de l’habituelle posture debout face à la salle, ou assise à la table de travail en ce qui concerne les démonstrations : tandis que se profile l’explosion de la TV sur ip, avec ou sans effet 3D, et que quelques constructeurs de téléviseurs ont même entrepris de doter leurs écrans d’une webcam, nouant des partenariats avec Skype, le prochain défi pour Apple concerne son Apple TV : d’une part, La Pomme doit absolument affirmer ses ambitions dans le domaine du jeu, sur un écran plus large que celui de l’iPad ou d’un ordinateur, alors que les compétences des consoles de salon ne cessent d’augmenter en matière de lecture de contenus et les capacités Internet ; alors que la prochaine convergence des différents écrans – Internet, téléphonie, télévision, cinéma – va se jouer autour du téléviseur, la solution actuelle du boîtier connecté à l’écran n’est plus tenable.

Vers un label « made for Apple »

Alors qu’il est déjà possible de télécharger films et séries de télévision directement depuis le téléviseur, ce sera bientôt le cas pour la consultation du courrier électronique et des pièces jointes ; mamie pourra également visiophoner à ses petits-enfants avec le confort d’un écran large, aussi facilement qu’elle zappe sur l’une des chaînes du téléachat. Comment imaginer qu’Apple résistera à la tentation de faire disparaître l’ordinateur derrière l’écran du téléviseur comme elle l’a fait avec l’ordinateur et l’iMac en 2004, le téléphone et l’iPhone en 2007, et l’ordinateur portable avec l’iPad juste sous nos yeux ?

À charge pour Apple d’unifier les différentes composantes intelligentes de la maison dans un ensemble cohérent, sous l’égide de Mac OS X, au fur et à mesure que celles-ci gagneront en valeur ajoutée. La problématique de la maîtrise de l’énergie à l’échelle d’une habitation, qu’Apple a commencé à prendre à bras-le-corps au niveau de la machine, vaut à elle seule qu’on s’y penche. Bientôt un logement et l’ensemble de son électroménager certifié « made for Apple », en passant par la voiture ?

Pour l’heure, c’est sans aucun doute le visage d’un Woz hilare, saisi à la sortie de l’Apple Store de Santa Clara avec un iPad 3G et déclarant « c’est encore mieux que j’aurais jamais imaginé » qui restera l’image de cette journée. Avec l’iPad, Apple va une nouvelle fois révolutionner l’imprimerie, sans doute plus encore qu’en 1984 avec le premier Macintosh du nom et l’imprimante LaserWriter. La tablette est une formidable invitation à la lecture, pour une génération de jeunes pour qui rien n’existe en dehors d’un écran d’ordinateur, de téléphone ou de télévision. Dans son communiqué de presse, Steve n’a pas manqué de se réjouir du nombre de livres au format électronique téléchargés par les utilisateurs dès le premier jour de sa commercialisation : plus de 250 000 ! L’iPad verra-t-il l’émergence d’un nouvel Humanisme, alors que fleurissent un peu partout de propositions des services pour l’iPad, à la suite de l’iPhone, de la part de jeunes développeurs passionnés à la manière des imprimeurs du XVe siècle ? L’avenir le dira.

Pour ce qui nous concerne, est venue celle de clore cette chronique entamée fin 2002 (pour les plus curieux, Apple et les DJeuNZ`. Qu’il me soit permis de témoigner du plaisir que j’ai eu à le conduire et à échanger avec vous.