Suivez-nous

Événement

Final Cut pro X

11 ans après le lancement de son application de montage, Apple réinvente la manière de raconter des histoires avec des images animées

Boro

Publié le

 

Par

Repose en paix, Final Cut Server… Avec le lancement de Final Cut Pro X cette fin juin et présenté au dernier NAB, sonne le glas des ambitions d’Apple sur le terrain bien particulier du broadcast… et avec lui se clôt, cette fois définitivement, la séquence “serveur”, initiée par Apple voici presque dix ans, en avril 2002, avec l’introduction du Xserve bientôt suivi par le système de stockage XSAN… système si ce n’est entièrement maison, du moins plus ou moins «revampé» .

Ironie du sort, cette année 2011 aura vu la réussite de l’offensive d’Apple en direction des Entreprises et des grands comptes, obtenue grâce à des armées de fourmis « client ultra-léger » et type iPhone et surtout iPad, quand Apple attendait plutôt ce succès du côté de ses « bêtes de somme » au format 1U. Pas mal d’atermoiements et un certain nombre de déconvenues plus tard – dont « l’accident industriel « survenu en 2008 chez TF1 n’est pas des moindres – c’est la retraite.

Final Cut Pro – qui était intégré au sein de la solution open source déployée par Ascent Media Systems & Technology sur ce qui était le plus gros projet de régie, stockage et banc de montage dématérialisés en Europe à cette date – a fait figure de victime colatérale lorsque 9 mois plus tard le projet quinquennal a été abandonné… et les boîtes FCP mises au rencard…

« Back to basics… »

Faute d’avoir su se donner les moyens de sa stratégie serveur – et sans doute plus que tout faute d’avoir su fournir aux entreprises la qualité de support utilisateur qui est devenu sa marque de fabrique auprès des particuliers – Apple s’est recentré sur ses marchés historiques du prosumer et des petits groupes de travail.

On en voit les conséquences avec Lion Server qui sera désormais au besoin intégré à la version client d’ OS X 10.7, mais également avec la puissance dégagée par le dernier iMac 27 pouces, lesquels renouent avec les iMac SE du début de la décennie…en attendant les prochains Mac Pro ! Bref, Apple se recentre sur le bureau de l’utilisateur et le nouveau Final Cut Pro X ne fait pas exception au mouvement général : exit le concept de Suite Logicielle Professionnelle telle qu’Adobe ou Microsoft peuvent encore les proposer : entre autres nouveautés, l’applicatif d’Apple intègre désormais les réglages sons et couleur et non plus dans une application tierce ; Motion, l’application de compositing et Compressor, le logiciel d’encodage restent eux vendus séparément sur l’App Store, et le client final bénéficie de la dématérialisation de la distribution en ce qui concerne les tarifs.

Une application revue de fond en comble

Retour aux fondamentaux pour une application revue de fond en comble, donc, puisqu’Apple annonce une refonte totale de son application-vedette de post-production vidéo. Pour Randy Ubillos et son équipe, il s’agissait de revenir aux fondamentaux qui avaient présidé à la création de Final Cut et des ses prédécesseurs : révolutionner le montage vidéo numérique en simplifiant au maximum la tâche des monteurs en leur permettant de se concentrer sur ce qui est l’essence même de leur travail : raconter des histoires grâce à des images, comme d’autres le font avec des mots.

Randy Ubillos qui commence à faire la Une des gazettes, mais qui a porté le projet Final Cut sur les fonds baptismaux chez Apple depuis le début après en avoir fait de même chez Adobe pour les premières version de Premiere, puis chez Macromedia pour KeyGrip le précurseur de FCP racheté par Cupertino – est d’ailleurs lui-même un «fondu» d’images et, pour l’anecdote, bon nombre des images des vidéos de présentation de iMovie sont volontiers tirées de ses propres films de vacances, si ce n’est celles de Final Cut Pro qui préfèrent elles voir intervenir des réalisateurs professionnels venus d’Hollywood ou du monde de la publicité…—–

Vers le montage «orienté utilisateur» ?

On se souviendra du même Ubillos, présentant au mois d’août 2007 une version d’iMovie remaniée jusqu’à ses fondations à partir de Final Cut Pro, faisant l’impasse sur la version 7 du logiciel en même temps que celui-ci gagnait des possibilités inimaginables jusqu’alors pour un logiciel de montage amateur : plans de coupe, gestion indépendante des pistes- son, stabilisation logicielle, etc.

Le saut qualitatif est ici du même ordre : apparition d’une timeline magnétique sans collision de plans ou problèmes de synchronisation ; la connexion de plans pour joindre une B-Roll, des effets sonores ou de la musique directement dans la timeline ; le regroupement de divers plans simples en plans composés, facilement accessibles et réversibles à la manière de la «programmation orientée objet» ; maîtrise du rythme du montage directement à partir de la timeline, centralisation des contenus et des effets dans un endroit unique, alors que le traitement en arrière-plan des métadonnées et un véritable début d’analyse sémantique des plans vont également grandement simplifier le travail des documentalistes…

Si l’on ajoute à cela le gain de performances induit par la conjugaison de la réécriture en Cocoa sur une architecture 64 bit et l’utilisation pleine et entière l’ensemble des ressources processeurs disponibles grâce à OpenCL et GrandCentral avec, on l’a dit, le rapatriement in situ du traitement de la couleur et du son, on est effectivement pas très loin de la réalité du qualificatif «révolutionnaire», dont Cupertino aime tant à faire usage par ailleurs. Il était temps pour Final Cut Pro de se réinventer : Adobe et Première sont de retour déjà depuis plusieurs mois sur la plate-forme OS X, après les mesquineries de l’ère Chizen…

Une révolution non sans remous…

Mais s’il faut évoquer iMovie’08, on se souviendra également de la bronca qui avait accompagné son lancement, obligeant Apple à proposer gratuitement iMovie’06a version précédente au téléchargement pour satisfaire les plus récalcitrants, la nouvelle mouture rompant trop radicalement avec les habitudes de travail d’un certain nombre d’utilisateurs : c’était le cas en particulier du jeune public de la sphère de l’Enseignement, où iMovie était utilisé pour ses capacités narratives, parfois dans de très petites classes. Autre grief fait à iMovie’08, l’abandon faute de temps – un retard de près de 6 mois ! – d’un certain nombre de fonctions et d’effets qui furent progressivement réintroduits avec iMovie ’09 et iMovie’11.

Ici encore, les protestations n’ont pas manqué, 2 jours à peine après sa mise à disposition sur l’AppStore : d’une part comme à son habitude Apple n’a pas fait dans la dentelle quant à la compatibilité matérielle de sa petite merveille, tant en ce qui concerne ses propres machines que les caméra des fabricants-tiers… du moins si l’on s’en tient à la liste provisoire des matériels les plus courants qui ont été testés. Qu’on se rassure, Final Cut Pro X est compatibles avec les iDevices de la Pomme capables d’enregistrer de la vidéo (iPhone 4 & 3GS, iPad 2, iPod touch de 4e génération…) qui disposent d’ailleurs eux aussi de leur propre version d’iMovie.

Une concurrence qui stimule l’innovation

Autre grief assez surréaliste, mais encore une fois significatif de la façon dont les équipes d’Apple, au four et au moulin, doivent travailler pour ne pas manquer les deadlines : il n’est pour l’heure pas loisible d’importer des projets Final Cut Pro 7, quand c’est pourtant le cas de simples projets iMovie. Rien d’étonnant à cela, à la lecture de ce qui précède, et iMovie et le nouvel opus de FCP partagent vraisemblablement une origine commune plus récente «pur 64 bit», quand FCP 7 participe de la lignée originelle. Par ailleurs l’absence de renouvellement de Final Cut Express se faisait sentir depuis plusieurs années, et il y a gros à parier qu’Apple devait offrir une solution de repli à un certain nombre d’établissements qui s’étaient contenté depuis de la version d’iMovie fournies gracieusement avec leurs nouvelles machines.

Tout cela devrait rapidement rentrer dans l’ordre, Apple ayant semble-t-il promis des mises à jour plus fréquentes que sa révision dodécamestrielle, intervenue en moyenne depuis sa création. C’est nécessaire, car encore une fois Apple n’est plus seule sur ce créneau, et la généralisation du format numérique dans les salles obscures, couplée à l’augmentation des parts de marché de Mac Os X aiguise les appétits.

L’impossibilité de travailler sur plusieurs écrans induite par le mode «plein écran» promis avec OS X 10.7 Lion fera-t-elle partie de ces améliorations ou corrections apportées avec ces fameuses mises-à-jour plus fréquentes ? Difficile de miser ne serait-ce qu’un liard là-dessus, tant la marque à la Pomme est coutumière de ces brusques changements dans les habitudes de travail de ses utilisateurs, ne craignant pas de «faire leur bonheur malgré eux»… quitte à faire machine arrière, lorsque cela s’avère nécessaire.

Il n’empêche, arrivé là aussi au terme d’un cycle de 10 ans (lire Bertrand Serlet boucle le cycle Mac OS X), la Pomme a su se réinventer sur ce qui était devenu l’un des piliers de sa reconstruction. Steve Jobs serait bien inspiré de veiller jalousement sur le petit Randy Ubilos et les principaux membres de son équipe – laquelle avait d’ailleurs sauvé e’n son temps la première version d’Aperture du naufrage – afin que les sirènes ou les petits cochons de la concurrence, comme on voudra, ne les mangeassent point…