Des résultats “énormes” …
Les communiqués se suivent et se ressemblent, et les superlatifs succèdent aux superlatifs. Malgré la tourmente, Apple est désormais non seulement sur orbite, mais bel et bien en route pour les étoiles.
L’histoire peut-elle se répéter, et l’éclatement de la bulle des “subprimes” peut-elle une nouvelle fois stopper le redressement d’Apple comme l’éclatement de la bulle internet en 2001 ? C’est la question qui pouvait venir à l’esprit mercredi soir avant la publication des résultats trimestriels de La Pomme, et que n’ont pas manqué d’évoquer à mots couverts les analystes réunis pour une séance de questions-réponses autour de Tim Cook le n°2 de la société, et de Peter Oppenheimer son grand argentier. Pointé hier à 146 $ le titre avait encore perdu -3,42 % à la clôture des marchés par rapport à la veille, juste avant la la communication.
A l’instar de ses homologues du secteur technologique, l’action d’Apple a cédé environ 25% de sa valeur depuis la fin décembre… avant la reprise des cotations hier matin, où le titre AAPL abandonnait carrément jusqu’à plus de 15%, en entraînant dans son sillage l’indice NASDAQ (voir la dépêche. En cause, la déception des analystes vis-à-vis des prévisions d’Apple pour le trimestre prochain – 0,94 $ de bénéfice par action pour un chiffre d’affaires de 6,8 milliards quand le consensus attendait plutôt 1,08$ par action et 6,98 milliards.
La différence est ténue, surtout lorsqu’on sait que la psychologie sociale a montré depuis belle-lurette que des groupes “d’experts” pouvaient fort bien trouver un consensus sur la distance parcourue par un point lumineux… parfaitement immobile, et alors qu’Apple se montre traditionnellement prudent d’un trimestre sur l’autre en ce qui concerne les prévisions de ses résultats… La Pomme n’a d’ailleurs pas réussi à atteindre ses objectifs trimestriels qu’à deux reprises, en tout et pour tout, depuis le retour de Steve Jobs aux commandes de la société voici onze ans !
Pratiquement tous les voyants au vert
Malgré le vent de panique qui souffle à la Bourse de New York, les chiffres publiés mercredi soir par Apple ont pourtant une nouvelle fois de quoi réjouir (voir la dépêche du 22 janvier) : pratiquement 10 milliards de chiffre d’affaires pour un bénéfice de 1,6 milliards de dollars, et des ventes de Mac qui explosent avec 2,3 millions de machines vendues ce qui représente une année sur l’autre de 44%. Les ventes d’iPhone se portent bien – 2, 315 millions, auxquels il convient d’ajouter environ 300 000 écoulés durant les deux premières semaines de janvier pour faire bon poids (voir le transcript de la keynote) – et seules les ventes d’iPod semblent avoir atteint un palier, avec seulement 5% de mieux par rapport au trimestre-record de la saison de Noël précédente. Pour ce qui est de la marge brute, elle est de 34,7% contre 31,2%, du fait de la baisse du prix des composants, d’un rapport de change des plus favorables, mais également d’une pression interne considérable pour réduire les coûts fixes, à mesure que le périmètre de la société s’agrandit.
Les ventes à l’étranger ont été bonnes, et ont même représenté 45% du chiffre d’affaires, contre 40% au 4e trimestre 2007, et ce alors-même qu’Apple gagne des parts de marché aux États-Unis (voir la dépêche du 17 janvier). Même les japonais semblent avoir retrouvé le goût de la Pomme, alors que le canal des Apple Stores de brique-et-mortier semblent plus que jamais soutenir l’activité autour du Mac, partout où ils sont implantés.
En ce qui concerne la répartition entre les portables et les machines de bureau, la proportion est à présent de 60% de desktops pour 40% de machines nomades, soit la proportion inverse de ce qu’elle était il y a de cela deux ans, et qui est à présent celle de l’industrie toute entière. L’iMac dans sa nouvelle livrée de verre-alu semble avoir reçu un accueil exceptionnel, au-delà-même des espérances de l’état-major d’Apple… tandis que le design de la famille MacBook commence lui un peu à dater.
Sur le segment de la musique qui a représenté tout juste 50% du chiffre d’affaires, les courbes d’adoption de l’iPod sont manifestement en train de s’individualiser en fonction des marchés nationaux. Toujours vivace en Europe et singulièrement au Royaume-Uni et en France, celle-ci semble s’être aplatie aux États-Unis d’où l’iPod a réellement débuté sa conquête mondiale. Il est donc nécessaire pour Apple de trouver un autre relais de croissance, après la photo et la vidéo : c’est le rôle dévolu à l’iPod touch, qui partage désormais avec l’iPhone le rôle de plate-forme internet grand-public selon le propre aveu de Peter Oppenheimer.
Enfin, pour clore le chapitre des satisfecits, la Recherche & Développement qui avait déjà fait un bond au 1er trimestre fiscal 2007, peu avant la présentation de l’iPhone, a gagné encore environ 30% pour atteindre 246 millions de dollars…—–
Seul motif d’inquiétude et qui n’a paradoxalement pas été relevé, le niveau des stocks au-dessous des objectifs que Cupertino s’était fixé à elle-même, et qui était ce trimestre de 4 à 5 semaines. La Pomme vend en effet de nouveau de plus en plus dans le canal de distribution “traditionnel”, que ce soit dans ses propres magasins ou les store in the store dans la grande distribution spécialisée, ce qui nécessite un niveau minimum de stocks en deçà desquels un risque de rupture existe, avec celui de laisser filer le client vers la concurrence !
Alors, quelles perspectives ?
On le voit, elles sont excellentes. Les ventes de Mac se portent bien et se maintiennent à un rythme 2 à 3 fois plus soutenu que celui de l’industrie dans son ensemble, et continuent de coller à celui de HP et Dell, qui sont les deux meilleurs.
Mieux, le haut niveau des Recherche et Développement maintenu au trimestre dernier est prometteur quant à la solidité des produits dans les tuyaux pour 2008, au premier rang desquels on peut sans grand risque de se tromper tabler sur le reste de la gamme portable d’Apple qui ne devrait pas tarder à subir une cure de jouvence… en attendant d’autres produits clients beaucoup plus légers destinés à se connecter à internet.
Peter Oppenheimer, en adoubant l’iPod touch comme l’entrée de gamme au sein des plate-formes mobiles Wi-Fi de Cupertino, destiné à jouer un rôle de levier, n’a fait que confirmer à demi-mot ce que nous avions évoqué à plusieurs reprises l’année dernière et plus récemment à la veille de la Macworld : il existe bien une stratégie d’ensemble à Cupertino autour du WiFi, qui vise à interconnecter ensemble les différents éléments de l’environnement personnel, que ceux-ci se trouvent au bureau, dans la poche ou face au sofa ! Que ceux-ci soient tous estampillés de la fameuse Pomme d’ailleurs importe peu : ce qui compte, c’est que ça fonctionne… et tant mieux si ça peut inciter à opter pour du “tout-OS X”.
Mail et les autres applications à présent disponibles sur iPod touch qui avait jusqu’ici la place d’un supplétif de l’iPhone, Remote Disk le nouveau dispositif du MacBook Air et Time Capsule (voir la chronique du 17 janvier) et bien entendu le SDK pour la nouvelle plate-forme n’arrivent pas à n’importe quel moment, alors que se met en place un nouveau segment de marché avec l’ultramobile de poche…
On peut se demander si Apple n’a pas anticipé le tout début d’un nouveau cycle Laptop-Desktop, ce dernier redevenant le pivot informatique familiale, une fois fait le tour de la réduction de l’encombrement et revenus des limitation du portable tel qu’on le connaît aujourd’hui, pour le commun des mortels : renchérissement de l’investissement initial pour des performances souvent moindres, vieillissement prématuré des batteries dans un usage sédentaire, exiguïté relative de l’écran et du disque dur, persistance d’un maquis de câbles.
Or on l’a vu, le concept de l’iMac à présent copié par Dell et HP répond pour l’heure parfaitement au besoin d’effacement de l’ordinateur de tout un chacun, l’iPhone, l’iPod touch et le MacBook Air à l’autre bout de la chaîne tenant chacun leur rôle de client web plus ou moins légers pour satisfaire les besoins de mobilité… en attendant la suite !
Seule inconnue et seule ombre au tableau, mais elles sont vraiment de taille : Apple peut-elle voir se dérober sous elle le marché grand public sur lequel elle s’appuie, comme en 2001 elle a vu s’évanouir le marché des dotcoms auquel elle devait très largement son redressement ? Il reste à espérer que l’économie américaine et derrière elle la consommation des ménages tiendront bon…