Apple : les brevets avant la recherche
Les guerres de brevets qui s’intensifient ces dernières années dans le monde des nouvelles technologies mobiles (et autres) seraient un révélateur d’un glissement de paradigme, des stratégies axées vers le produit final à celles visant à bloquer la concurrence.
Ce point de vue, c’est celui du New York Times, au travers d’un long article où sont passés en revue tous les éléments censés démontrer que le produit final et la concurrence loyale ne sont plus les éléments moteurs du secteur mobile.
Selon une étude de l’université de Standford notifiée dans l’article du NYT, les sommées dépensées dans le cadre des brevets ou des affaires de justice auraient ainsi atteint le montant fou de 20 milliards de dollars, tandis que Google et Apple auraient dépensé en 2011 plus dans le secteur juridique que pour la recherche et le développement de nouveaux services ou produits.
Et pour bien appuyer le trait, histoire que tout le monde ait compris de quoi il retourne, le NYT de citer une source bien sûr anonyme qui prétend avoir été conviée à une réunion de travail produit chez Apple, réunion à laquelle participaient 3 avocats spécialistes des brevets et qui auraient bien sûr opposé leurs vétos à toutes les idées mises en avant au prétexte que celles-ci enfreindraient déjà certains brevets.
Les brevets logiciels ne sont pas les seuls visés par l’article, qui rappelle qu’Apple défend de simples coins ronds devant les tribunaux, façon de montrer, si on n’avait pas bien saisi le fond, que somme toute, rien vraiment ne mérite que l’on dérange un avocat en guoguette.
Citant aussi Posner et reprenant sa défense de la brevettabilité médicamenteuse, la critique du NYT cache au final assez mal son affiliation avec une vision du marché mobile totalement expurgée de toute défense de propriété intellectuelle (et pas seulement logicielle comme le montre la pique contre la défense du trade-dress d’Apple) : le parallèle effectué entre les patents trolls et des entreprises vendant des millions de produits chaque année, la caricature de la notion de trade-dress, les histoires vécues qui pour certaines semblent aussi fiables que celles d’un certain Mike Daisey auquel le NYT avait largement ouvert ses colonnes, tout malheureusement conduit à faire d’une critique à la base légitime, un brûlot idéologique défendant un marché libéré de toutes contraintes légales.
La critique de la guerre des brevets et de ses abus méritait sans doute un peu mieux que ce seul point de vue radical et sans nuance, mais c’est une pierre de plus dans un débat nécessaire qui aboutira sans doute à terme à un lissage et à une meilleure définition de certaines règles du jeu.