Google : “Apple menace l’internet ouvert”
Le cofondateur de Google, Serguey Brin, ne manque jamais une occasion de rappeler quelques fondamentaux. Lors d’une interviw accordée au Guardian, le sémillant et brillant programmeur n’a pas hésité à tracer un portrait au vitriol d’Apple et de Facebook, accusés pas moins que de contrevenir à la règle d’ouverture d’internet.
L’attaque est d’autant plus virulente que ses propos viennent juste après, et comme un point de liaison, un avis tranché sur les conditions d’accès au web dans des pays comme la Chine ou l’Iran.
L’argument de Brin ? Apple et Facebook bâtiraient un réseau fermé sur lui-même, dépouillé de la nécessité de devoir en passer par un navigateur classique pour effectuer des recherches. “Prenons l’exemple des informations sur les apps” explique Brin, “aucune donnée sur ces applications n’est disponible via une navigation internet. Vous ne pouvez effectuer de recherches là-dessus.”
Outre le fait que ce que raconte Brin est faux puisque Apple founit un lien vers ses applis accessible via un navigateur classique (et pas seulement via iTunes au départ), on se demande surtout si le cofondateur de Google ne prêche pas avant tout pour la paroisse de son entreprise.
En effet, le modèle horizontal de Google a besoin d’avoir accès à toutes les données possibles, sans quoi la pertinence de la recherche est amoindrie. Mais surtout, un modèle “ouvert” de recherche, y compris sur des données auxquelles l’utilisateur veut accéder directement (en clair, il SAIT ce qu’il veut et n’a pas besoin de le chercher via un moteur ad hoc) permet aux espaces publicitaires de s’immiscer partout et tout le temps, un modèle de développement économique qui est bien celui de Google, à l’opposé en effet de celui d’Apple.
Le choix d’une app, d’une chanson ou d’un film n’a pas besoin d’un navigateur, la recherche “libre” et “ouverte” étant laissée pour des tâches qui le justifient réellement. En voulant tout ouvrir sans distinction, en estimant que tout mérite d’en passer par des pages de résultats de recherche, Brin fait mine de ne pas voir que le jardin fermé d’Apple fonctionne bien justement parce que les données qui y transitent n’ont pas vocation à n’être que le dixième lien sur une page de résultats mais sont ce que veulent les utilisateurs, ici et maintenant.
On peut aussi lire entre les lignes et voir dans la réaction de Brin un cri d’alarme contre un marché en réseau qui ne passe plus par ses services, son moteur, et ses espaces publicitaires. Plus Facebook et Apple gagnent des utilisateurs, moins Google Search devient l’alpha et l’oméga pour des centaines de millions de personnes.
L’utilisateur ne veut pas toujours chercher, et dans ce contexte, un internet vraiment libre serait celui qui ne l’obligerait pas à en passer par un outil qui ne corresponde pas à ses usages à un instant donné. Si l’on n’ira pas jusqu’à dire que les propos de Brin reflètent une forme de novlangue au sujet de notion comme la liberté et l’ouverture à tout crin, il est tout de même édifiant qu’un esprit aussi “libre” justement que celui du cofondateur de Google en arrive à amalgamer les contraintes de gouvernements autoritaires ou dictatoriaux avec le choix de ne pas en passer par une recherche web pour télécharger Infinity Blade 2 sur son iPhone.