AE`05 : Mais où sont les Expo d’antan?
Placée cette année encore davantage sous le signe de la musique, l’Apple Expo a franchement surpris les habitués.
Faut-il pour autant entonner la ballade des dames du temps jadis?
On peut se payer de mots, en faire des tonnes ou s’en tenir au discours habituel qui veut que la dernière édition en date soit “très réussie”, tous les habitués en conviennent : l’AE`05 n’était pas comme les autres. On l’a cent fois rebattu : cette année pas de présence de Steve à la Keynote, pas de Keynote du tout d’ailleurs, et encore moins de nouveautés dévoilées à l’occasion du salon. A l’image d’Apple depuis la sortie de Tiger fin avril dernier, et surtout début juin avec l’annonce de la migration vers Intel dans les 2 ans, les exposants salon ne s’adressaient en définitive plus tant à leur clientèle traditionnelle de passionnés qu’aux nouveaux-venus et aux entreprises. Il n’y était en grande partie question que d’iPod et de ses accessoires d’une part, et de gains de productivité dans les logiciels d’autre part.
Même lorsqu’ils la comparent à celle de l’année dernière où Steve Jobs n’était pas présent non plus, pour les familiers du rendez-vous de la Porte de Versailles, l’édition 2005 était placée sous le signe du “moins”. Et cela est plus encore perceptible lorsqu’ils évoquent le temps des grandes heures où le traditionnel temps fort se tenait au CNIT La Défense…
L’ambiance, avec la sociologie des visiteurs, était en effet incontestablement différente : sans Keynote pour électriser les foules, et sans annonce matérielle pour alimenter le rêve, il y avait davantage dans l’air un esprit bon-enfant, voire studieux, que de l’électricité coutumière à l’événement.
Le CEO d’Apple lui-même, s’il a consenti à faire une apparition à l’issue de sa conférence de presse, a pu apparaître d’autant plus en décalage aux aficionados les plus matinaux qui l’ont croisé que la foule des grands jours ne se bousculait pas encore dans les travées du Hall 5, dont l’ouverture avait d’ailleurs été décalée d’une heure pour l’occasion. La façon de communiquer d’Apple change, et ne s’adresse plus en priorité aux fans (voir la chronique du 16 aout 2005 et celle du 6 septembre).
Car ni la surface consacrée aux exposants -du Hall 4 des années 2000-2003, aux halls 1.1 et 1.2 dont une bonne part était dévolue aux restaurants en 2004, et pour finir au fameux hall 5 cette année on oscille toujours autour des 18 à 19 000 mètres carrés- ni le nombre des exposants -aux alentours de 250- n’ont fondamentalement changé. C’est bien le public qui n’est plus tout à fait le même : s’il y avait moins de pèlerins, déçus par l’absence de nouveautés, on n’a perçu que davantage les curieux et les nouveaux-venus dont tous n’avaient pas loin de là la passion des nouveaux convertis. Entre têtes blondes intéressées par l’iPod et têtes chenues plus concernées par les problématiques de sécurité, on a pu croiser sans doute plus de seniors, de jeunes et de représentantes de la gent féminine qu’à l’ordinaire.
Des chiffres communiqués sans doute la semaine prochaine, aux alentours de 65 000 visiteurs, permettraient à l’Apple Expo de continuer à justifier la place revendiquée de 1er événement grand-public consacré à Apple en Europe. Mais le profil sociologique des personnes intéressés par l’univers Apple semble se rapprocher désormais de celui de la population générale…
Le salon de cette année a ainsi pu témoigner d’une période de transition au sein d’Apple, transition entre aficionados et grand-public attiré par l’iPod on l’a vu, mais aussi transition entre machines basées sur des processeurs PowerPC et Intel, dans ce qui demeure le cœur de métier historique du constructeur de Cupertino… en même temps que le carrefour du hub numérique. L’absence du PowerMac basé sur le PowerPC 970 MP bi-core, pressenti voici plus d’1 an pour contourner le fameux “mur du Mégahertz” (voir la chronique du 25 juillet 2004), et un moment annoncé par ThinSecret pour l’Apple Expo est d’autant plus cruellement ressentie que les premières machines basées sur l’architecture x86 d’Intel ne sont pas attendues avant juin 2006. Autant dire une éternité, si l’on considère le cap de 3 GHz qui avait été promis pour juin 2004!
Mais un certain rééquilibrage est aussi à l’œuvre entre Londres et Paris, même si c’est l’avenir qui dira s’il s’agit d’une réelle transition avant un éventuel passage de témoin… On assiste en effet à une véritable redistribution des cartes en Europe, en fonction des spécificités et des dynamiques locales : Apple a ainsi annoncé sa présence en octobre à une Mac Expo de Londres, placée sous le signe de la création, et avait investi avec ses solutions le salon IBC media d’Amsterdam consacré à la video et au broadcasting.
Chez Apple Europe, on se déclare officieusement très respectueux de la spécificité et des caractéristiques historiques du marché Mac français. Il est vrai que le secteur du small business -medical, architecture, juridique et gestion immobilière- et surtout celui de l’Education, se porte plutôt bien avec des parts de marché 2 chiffres. La grande inconnue concerrne le sort dévolu à l’Allemagne, et avec elle à la Mittel Europa. Apple va-t-elle investir plus largement l’autre édition de la Mac Expo ou la Photokina?
Pour autant, le marché britannique dans son ensemble est lui beaucoup plus dynamique et plus important en volume, et surtout beaucoup plus réceptif au chapitre de la musique numérique. Albion se taille ainsi la part du lion de Trafalgar Square, avec un volume 2 à 3 fois plus important que dans le reste de l’Europe. Alors que les cadres d’Apple Europe partagent à présent Pour moitié leur semaine entre leur bureau de Paris et celui de Londres, il semble qu’aux Ulis on ait obtenu davantage les coudées franches pour ce qui est de la fameuse “spécificité française”.
La localisation en français et allemand du service Dotmac est sans doute à interpréter dans ce sens (voir la prise en mains). Si la gestion des groupes n’apporte rien de nouveau, puis qu’elle était proposée pratiquement telle quelle et gratuitement par le britannique SmartGroups.com depuis plusieurs années, celle-ci se prête à merveille au travail collaboratif décentralisé, une tendance lourde du moment dans la demande du secteur professionnel.
Mais qu’on le veuille ou non, l’avenir d’Apple en France passe également par la musique et le grand-public, au même titre que le fameux Apple Store de brique-et-mortier. Rendez-vous en 2007? :smile