Apple et Microsoft, ou l’amour vache
On continue pourtant de s’épier, et au besoin de copier un peu par dessus l’épaule de son voisin. L’annonce de Vista™, le nouveau nom de Longhorn, n’a donc pas manqué de susciter des réactions.
Les accusations de plagiat de la part des supporters d’Apple sont aussi vieilles que l’arrivée de Redmond dans le domaine des fenêtres… Elle a fait couler beaucoup d’encre, fait vendre accessoirement beaucoup de papier et sûrement gâché beaucoup de réunions familiales, au fur et à mesure que l’une intégrait les avancées de l’autre, en confisquant jusqu’à son vocabulaire tout en absorbant ses parts de marché.
Lors de la présentation de Tiger à la WorldWide Developper Conference de San Francisco, en juin 2004, Steve Jobs ne s’était d’ailleurs pas privé d’égratigner son rival de toujours, en pavoisant au sens propre le hall du Moscone Center avec des panneaux qui proclamaient notamment : ‘Redmond, start your photocopiers‘… avant de jurer ses grands dieux que, lors d’un dîner informel avec Bill Gates, tous les deux avaient convenu que les relations entre les 2 firmes n’avaient jamais été meilleures… Entre-temps chez l’Ogre du logiciel on a un peu radicalisé son propos, au fur et à mesure que les difficultés devenaient plus évidentes.
Les “embarras” de Microsoft vis-à-vis de l’évolution de son propre système d’exploitation ont d’ailleurs fait l’objet de fréquents coups de griffes de la part de Jobs, que ce soit à propos de ses difficultés à mettre au point son système de fichiers baptisé WinFS, ou son impossibilité à tenir une date de sortie après maints reports successifs.
Or s’il est vrai que Windows est depuis son origine la vache-à-lait de Microsoft (voir la dépêche du 22 juillet 2005), son évolution majeure – dont le nom de code était jusqu’ici ‘LongHorn’ – accumule les retards et les problèmes de développement. Est-ce parce que celui-ci porte le nom d’un chaîne de restaurants-grill de l’État de Washington, paraît-il fort prisée des développeurs de Microsoft, en référence à la race de bœufs texans favorite des barbecues sudistes ? L’OS sera finalement débité comme des T-bone steacks, et disponible y compris pour les clients de Windows XP (voir la dépêche du 18 avril 2005) : ce sera le cas d’Avalon, le système d’interface utilisateurs, et d’Indigo le système de communication réseau, mais aussi Internet Explorer 7, Windows Media Player 10 ou Movie Maker 2.
Le fameux système de gestion de fichiers WinFS étant repoussé au calendes grecques – qui comme chacun sait n’ont jamais existées, il ne restait plus grand-chose d’original au nouveau Godot : même le principe de système de fenêtres “révolutionnaire” a été d’abord présenté par Sun Microsystems pour la présentation en 3D, et la transparence progressive des fenêtres non-utilisées a fait l’objet d’un brevet déposé par Apple (voir la dépêche du 13 mai 2004). Et si ce dernier est actuellement mis en œuvre par Microsoft… c’est sur la version Macintosh d’Office 2004.
Dans ces conditions, l’annonce de la version définitive de Longhorn, rebaptisée Vista™, et le choix des visuels qui l’accompagnaient ont largement fait sourire dans les forums consacrés au Mac (voir la dépêche du 22 juillet 2005). —–
Est-ce à force de se voir planter des banderilles ? Le nom de vista qui a été choisi pour remplacer celui de la vache Longhorn appartient au vocabulaire tauromachique, lequel désigne aussi les amateurs passionnés du terme d’aficionados. Ce mot est lui-même assez largement employé, y compris aux États-Unis, lorsqu’il s’agit d’évoquer les supporters du Mac [[ou l’aficion dans son ensemble, comme on a pu l’écrire ici]]. Le plus amusant est que cette vista fait référence au coup d’œil, à l’intuition du torero ou de l’écarteur de la course landaise face à la situation, toutes choses qui, bien entendu, viennent d’abord à l’esprit lorsqu’on évoque Redmond… [[Avant de déclencher un ‘flame’ dans les forums, veuillez noter que la corrida n’est PAS le sujet de la chronique… corrida que l’auteur de ces lignes réprouve accessoirement:-)]]
Mais même si chez Microsoft on est venu voir plus souvent qu’à son tour si l’herbe était plus verte du côté de Cupertino, balayons aussi devant le seuil du 1, Infinite Loop à Cupertino : Apple a fait tout récemment un emprunt à l’identité visuelle de Windows (voir la chronique du 29 avril 2005) pour la couleur par défaut de la barre de Spotlight. Celle-ci hurle tellement avec les environnements si caractéristiques d’Apple que cela n’est pas anodin : on est clairement allé chasser sur les terres de Redmond, afin que le “switcher” ne se sente pas tout à fait dépaysé…
Ceci posé, les différentes interfaces graphiques ayant beau se “citer” les-unes-les-autres, La page du site de Microsoft qui présente le prochain système d’exploitation de l’éditeur a de quoi laisser perplexe : si le texte, qui ne propose rien moins qu’ “apporter la clarté à votre monde” s’apparente à une paraphrase d’argumentaire Apple mal assimilé, il sonne avant tout comme un réquisitoire vis-à-vis du retard accumulé par l’HyperMonopole. De quel obscurantisme le petit monde informatique – pourtant dominé par Redmond – avait-il tant il besoin qu’on le délivre?
Post Scriptum : Les plus anciens parmi les MacUsers ne seront pas arrivés à la fin de cette chronique sans avoir eu une pensée émue pour “Moof-the-Dogcow”, c’est-à-dire le chien-vache aussi vieux que le Macintosh lui-même, et au son si caractéristique. Les utilisateurs d’Ircle le connaissent bien : c’est lui qui signale la fin d’un transfert DCC… Qui a dit que les vaches étaient bien gardées? :smile