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Prospective

DRM : iPod a-t-il déjà gagné?

Si l’intitulé de la séance de travail était volontairement large, l’objet en était en réalité de décider s’il était opportun d’imposer un standard d’interopérabilité à l’ensemble…

Boro

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… de la filière. La réponse des acteurs concernés aura été quasiment unanime… La sous-commission de la Chambre des Représentants américaine, chargée d’Internet et de la propriété intellectuelle, recevait mercredi 6 avril à Washington un certain nombre de témoignages sur le thème de l’interopérabilité de la musique numérique. Ont été entendus à cette occasion Mark Cooper, le représentant d’une association de consommateurs, Ray Gifford le président d’une fondation de recherche sur les répercussions des bouleversements de la vie numérique sur la vie publique, William Pence le responsable technologique de Napster, la boutique musicale de Real Media, et Michael Bracy, responsable de la Future of Music Coalition, un groupe militant pour une prise d’autonomie des musiciens vis à vis des industriels.

‘Things Ain’t Simple…’

Ce genre d’audition a lieu régulièrement en commission sur tous les sujets, et ce n’est pas la première fois que le législateur américain consulte les diverses parties concernées par la diffusion et la distribution de contenus en ligne ; le Sénat américain avait déjà organisé ce type de tour de table en 2002, sur le thème “Protéger les contenus à l’Ère digitale’“…

Les travaux des commissions de la Chambre des Représentants et du Sénat – il est vrai singulièrement préparés par des notes d’orientation présentées par des groupes de pressions industriels, par l’entremise de “représentants du peuple” à l’oreille plus au moins complaisante – ont donné lieu par accumulation à un arsenal législatif et répressif en direction d’internet propre à faire passer notre propre Loi de Confiance sur l’Economie Numérique pour un dangereux espace de non-droit et de laisser-faire…

‘Takin`Care of Business…’

L’une de ces notes à la Chambre des Représentants qui visait à autoriser les “ayant-droits” à semer impunément la panique sur les réseaux de peer-to-peer en toute impunité, au regard que leurs œuvres y feraient l’objet d’échanges illégaux, avait notamment été présentée par Howard Berman, présent à l’audition, et soutenue par l’Honorable Lamar Smith qui présidait justement la séance de la Sous-commission.

Dans sa déclaration préliminaire, ledit président de séance ayant déclaré que son “travail [était] de faire évoluer les autorisations pour la musique, en vue de l’Ère numérique, (…) des question légitimes ayant surgi au regard de l’impact de l’interopérabilité numérique à l’égard des consommateurs“, on pouvait s’attendre à ce que la discussion s’oriente rapidement vers la façon la plus rapide d’y parvenir.
Apple faisant pour l’heure la course en tête, les frais de l’entente auraient tout aussi bien pu être pour sa Pomme, d’autant que les critiques pour son refus d’ouvrir son système de Digital Rights Management ne lui font pas défaut : il n’en a rien été…

‘Money Talks…’

La déclaration préliminaire de Lamar Smith posait pourtant sans ambiguïté la domination actuelle de l’iPod et le système de DRM FairPlay jalousement gardé par Apple comme au minimum l’une des données incontournables du problème, avant de fustiger le choix de Cupertino de ne pas venir défendre son point de vue. L’occasion était ainsi rêvée pour William Pence de Napster de prendre sa revanche sur Apple dans la controverse Harmony (voir la chronique du 29 juillet 2004).
Pourtant seul Howard Berman, dont la circonscription comprend Hollywood, prit la parole en suggérant que la prolifération de systèmes de protection anti-copie incompatibles entre eux, pouvait entraver le développement de plate-formes de téléchargement légales…

Est-ce vraiment un hasard? Petite curiosité MacPlus, si l’on en croit OpenSecrets, parmi les plus généreux donateurs pour le financement de la réélection de l’Honorable Lamar Smith on trouve Dell Computers en 1e position (19 746 $), Microsoft Corp en 4e position (10 000 $) ou Sony Corp America ou Time Warner respectivement en 12 et 13e position avec 7 500 $ chacune. Quant à l’industrie du cinéma, elle s’est somme toute montrée bonne fille avec M.Berman puisqu’on la trouve aux 6 premières places pour les sociétés contributrices à son financement : Wald Disney Co, AOL Time Warner, Vivendi Universal, Viacom Inc, News Corp (MGM), et DreamWorks SKG pour des oboles allant de 32 000 à 11 000 $ tout de même…

Mais toujours est-il que l’ensemble des témoins invités à s’exprimer ont répondu poliment “non-merci” à la perche qui leur était ainsi tendue.—–

Alors, Apple a-t-elle déjà gagné?

Assurément non, et pardon pour cette “accroche” qui fleure bon son Affichage Avenir et son hebdomadaire abandonné dans la voiture-bar une fin de semaine…
Si Apple avait pris une telle avance que les dés en parussent jetés, chacun aurait lancé un plaidoyer pro domo, avant de réclamer qui une régulation, qui un texte législatif pour imposer cette fameuse interopérabilité. Bien au contraire, tous les intervenants qui étaient invités ont bien souligné que le marché de la musique en ligne n’en était qu’à ses débuts. Tous ont convenu que c’était à l’innovation technique, et en définitive au client de déterminer quelle solution devait l’emporter, et non au Gouvernement de choisir un vainqueur…

‘Love has Been Gone…’

Si Apple n’est pas ce vainqueur, c’est à l’évidence Microsoft le grand perdant, puisque c’est seulement sur le Windows Media Player et autour de sa technologie de DRM que le consensus aurait pu être trouvé : c’est en effet la technologie de Redmond qui a été retenue par les gros bataillons des baladeurs numériques. La leçon de la décennie précédente semble avoir porté : plus grand-monde ne veut de Microsoft comme plus petit dénominateur commun, et l’industrie semble vouloir cette fois faire évoluer les solutions techniques vers le haut.

Mais peut-être surtout, plus personne ne veut désormais passer sous les fourches caudines des licences de Redmond… pour peu qu’il y ait moyen de l’éviter… Microsoft se retrouve à présent dans la position d’une cocotte du IIe Empire dont l’étoile est en train de pâlir, et qui aurait achevé de lasser tout le monde avec ses exigences… jusqu’à ses protecteurs. Son discours convenu sur “l’innovation” ou la sécurité ne font plus guère illusion, à part sous quelques lambris de la Ve République française.
Aux États-Unis, l’HyperMonopole s’est en quelque sorte “démonétisé”, y compris auprès des politiques républicains qui étaient son plus sûr relais : outre Apple, c’est Napster qui – malgré ses menaces continues d’abandonner le format AAC – était invité à témoigner devant la Sous-commission en tant que prestataire technique…

Qui s’en plaindra? Il reste maintenant à espérer que la prochaine manche qui concernera la vidéo restera aussi équilibrée en faveur des particuliers. Un début de réponse vendredi, à l’occasion du NAB 2005, avec un certain nombre d’initiatives d’Apple…

PS : des inter-titres ‘Special JJ Cale’ pour cette chronique : Cheers… :smile