Conférence de Steve Jobs
Tout d’abord, mettons nous dans l’ambiance. Arrivé à 9h45, il y a déjà une bonne foule massée devant l’entrée du Palais des Sports. On distingue vaguement les écriteaux dans la foule "invitations" "sans invitations", avec autant de monde de part et d’autre. Et oui, l’attente à la française a encore frappée. Mettez 20 américains devant un guichet, vous avez une queue. Mettez autant de français, et ça manifeste. Un égaré m’aborde…
Dans le bain
– Yes, it’s ov…
– What’s up here ?
– Steve Jobs is gonna make a presentation of the iMac.
– Oh, Microsoft ?
– … No. The other one.
– Yeah, last friend. Well, where’s the SignExpo ?
– I don’t know."
Ceci aussi pour l’ambiance. Entrons. Alors que tout le monde s’installe, je repère deci delà quelques t-shirts agressifs : ici la concurrence, sans papier ni crayon, au look de surfeur tricolore, là les vineyards qui délivrent nos bons vins outre-atlantique. Enfin, le noir se fait et Diego Piacentini (Manager Apple) nous présente un petit rappel des faits, à l’aide de coupures de presse d’il y a un an exactement : "Faut-il jeter votre Macintosh ?", "Apple, c’est fini"… Suivent les coupures de presse actuelles : "Apple, le grand retour", entre autres. Le ton est donné, il y a dans l’air comme un esprit de revanche. Ou plus exactement, comme un sentiment d’avoir déjà quasiment gagné. Et la salle le prouve lorsqu’entre Steve Jobs, en jean et chemise col ouvert. Standing ovation, avant même que le gourou de la Pomme n’ait pu nous saluer. Du petit lait, je vous assure !
Après avoir demandé aux flashs de bien vouloir s’arrêter quelque peu, Jojo commence. Surprenant dès le début, il nous présente les 5 points d’un certain Abraham Maslow, philosophe, pour qui les besoins de l’homme se pouvaient hiérarchiser en cinq étapes :
5- Self-actualization
4- Esteem
3- Love
2- Safety
1- Physiological
C’est la Human Hierarchy of Needs. Et de faire le parallèle avec sa philosophie à lui, nécessaire à Apple, la Hierarchy of Skepticism :
5- Growth
4- Applications
3- MacOS
2- Product Strategy
1- Survival
C’est à travers ces 5 étapes que Jobs nous a conduit pendant près de deux heures.
Survival
Le premier point pour Apple était donc de prouver qu’elle pouvait survivre. Jobs nous assène alors les résultats positifs (voire jouissifs) dont la Pomme peut s’enorgueillir depuis quelques temps : 47… 55… 101 millions de dollars. Ne nous y attardons pas, voici qu’arrive le deuxième point.
Product Strategy
Après avoir survécu, reste à organiser la gamme de produits. En lieu et place des divers modèles encore disponibles l’an dernier (4400, 5400, 6400, 7300, 7600, 8600, 9600…), Steve Jobs nous explique ce que fut et est encore la nouvelle stratégie Apple : 4 gammes de produits.
Consumer Pro
Desktop iMac PowerMac G3
Portable 1999 PowerBook G3
Commençons par le PowerMac G3. Environ 1,250,000 unités vendues, le prochain modèle prévu aura 333 MHz dans le ventre (768 MB memory). Niveau performance, le constat est clair : "We just toast them".
Ensuite, le PowerBook. ByteMark à l’appui, Jobs nous montre que le plus lent des PowerBook G3 est plus rapide que le plus rapide des Pentium II. Comment en vouloir dès lors aux revanchards du PC, qui commencent à faire parler leur mauvaise humeur et leur mauvaise foi outre-atlantique en prétendant que les tests sont truqués. Passons. Au niveau des prix, les machines equivalentes proposées par Compaq sont à 4999$, par IBM à 3348$, quand le prix d’Apple est de (seulement ?) 2799$. Quant à l’ajout d’un lecteur DVD, sur n’importe quel G3, la démonstration qui nous a été faite est simplement ahurissante : Alice au Pays des Merveilles, absolument fluide, en plein écran.
Passons dès lors à la troisième gamme, celle de la machine de bureau grand-public : l’iMac. Présenté à côté du Celeron d’Intel (représenté par une branche de céléri à l’écran), là encore les benchmarks font la différence : 4,7 pour le Celeron à 333 MHz, 7,9 pour l’iMac (et 6,2 pour un Pentium II 450). Le temps de la démonstration est arrivé. Sur scène, deux machines à 9990 F TTC : un iMac, et un Presario 5020 (PII 266 MHz). Phil Schiller (Vice-President Worldwide) assiste le Jojo dans l’expérience. Chacun lance une vidéo sur sa machine, et la performance laisse pantois. Mieux que ça : après 5 secondes du silence d’une salle bouche-bée, les premiers éclats de rire surgissent. Bientôt, le Palais des Sports retentit de rires presqu’incrédules et d’applaudissements. Et Jobs de glisser à Schiller, alors que l’iMac avait déjà fini sa vidéo depuis 10 bonnes secondes quand le Presario terminait péniblement la sienne : "Looks like it redifines the meaning of speed". Le PII 400 (à plus de 15000 FF TTC) tient un peu mieux la route, mais reste bien derrière les performances de l’iMac quand même. Je vous l’ai dit, ce n’est plus de la stupeur, c’est un immense éclat de rire.
MacOS
Donc, Apple a prouvé qu’elle pouvait survivre, et a prouvé qu’elle avait une stratégie quant à sa gamme de produits. Bien. Mais qu’en est-il de l’OS ? MacOS 8.5 est prévu pour Octobre, et Steve Jobs a rappelé qu’il s’agissait là de la nouvelle politique en matière de systèmes Apple : une mise à jour majeure par an. Au programme du 8.5, nous trouvons quatre points essentiels : Sherlock, les copies, ColorSync, et AppleScript.
– Sherlock
Sherlock est un moteur de recherche global. Il scrute aussi bien le Net que vos propres disques durs à la recherche de ce que vous lui avez demandé. Mais au lieu de taper une série de mots-clé, vous pouvez tout aussi bien taper des phrases entières (ce qu’on appelle le "langage naturel", donc). Pour le Net, vous pouvez sélectionner les moteurs de recherche qui travailleront ensuite en parallèle. Les résultats sont ensuite renvoyés à mesure qu’ils parviennent à votre ordinateur, et classés par pertinence. Un double-click sur un résultat envoie directement votre butineur sur la page concernée. De plus, vous pouvez sauver vos recherches sous forme de fichiers (drag&drop, bien sûr), et les conserver, ou en faire ce que bon vous semble.
– les copies
Le principal reproche adressé aux copies sous Mac, par rapport à Windows par exemple, était la lenteur. Je dis bien était, car comme l’a souligné Jobs, "we don’t like Windows to do better than MacOS". Et tout ça a été optimisé. Pour démonstration, nous avions sur scène deux réseaux Ethernet : un PC et un Mac. Deux fichiers tests d’une taille respective de 185 et 150 MB ont été utilisés successivement. Auparavant, les résultats étaient les suivants :
8.1 | 34 secondes |
Win98 | 30 sec |
Win NT | 25 sec |
Le 8.5 tape les 17 secondes. Pari gagné. Cependant, la démonstration nous a fait une petite frayeur. Les barres de progression du NT et de MacOS 8.5 avançaient quasiment au même rythme… quand soudain le Mac accéléra méchamment, laissant le PC finir tant bien que mal. Pour le fichier de 150 MB, le PC mis presque deux fois plus de temps à finir sa copie.
– ColorSync
On ne présente plus ColorSync, qui permet de conserver les couleurs à travers toute la chaîne de création. MacOS 8.5 intègre ColorSync, qui supporte désormais de nouveaux partenaires (dont Agfa).
– AppleScript
Ceux d’entre vous qui connaisse et se servent d’AppleScript ne vont pas le reconnaître. Ecrit désormais en natif, il est jusqu’à cinq fois plus rapide. De plus, ColorSync est totalement scriptable, ainsi que Sherlock, et surtout le Finder est désormais lui aussi scriptable, avec fichiers et dossiers ! La démonstration est carrément étonnante. Plusieurs dossiers ont été scriptés. Par exemple, l’ouverture d’un dossier "mère" ouvre également tous les autres dossiers contenus. Qu’on redimensionne la première fenêtre, toutes celles qui suivent se redimensionnent également, en cascade. Plus impressionant encore : un dossier scripté sur lequel Schiller glisse une image lance photoshop, ouvre l’image dans Photoshop et exécute des actions sur l’image (retournement, etc), ceci moyennant cependant l’acquisition de PhotoScript, un plug-in PhotoShop. De même avec Quark Xpress. Deux dossiers, l’un contenant les images, l’autre le texte, sont glissés sur un troisième dossier scripté, et Quark Xpress commence sa mise en page, puis envoie le tout dans le butineur… nous voilà devant une page Web ! Vraiment étonnant. Et cerise ultime, AppleScript fonctionne aussi bien dans les applications qu’en réseau.
Revenons à la Hierarchy of Skepticism. Ok pour les trois premiers points. Bon, Apple, qu’en est-il des applications disponibles sur Mac ? Simple, depuis l’annonce du lancement de l’iMac, 900 nouvelles applications ont été développés pour Mac (dont 219 en provenance d’Europe). Et c’est l’arrivée de Ben Waldman, General Manager chez Microsoft, en charge du Macintosh Business Unit. En costume noir, de même que son assistante. L’ambiance se fait soudain plus fraîche, et je n’ai pas pu m’empêcher de penser que cet homme avait tout de même une position bien inconfortable… pensez donc, fan du Mac chez Microsoft, il ne doit pas être trop bien vu là-bas, et n’est pas davantage apprécié "chez nous". Quoiqu’il en soit, voilà l’homme lancé dans la présentation d’Office 98 pour Mac, avec des fonctions "first on Macintosh, and only for Macintosh" (slogan répété environ 10 fois en un quart d’heure). Puis vient le tour d’IE 4.0.1, lui aussi avec des "fonctions spéciales nous-autres", notamment la "reconnaissance" d’URLs (vous tapez le début, Explorer "devine" la suite), avec son menu pop-up qui recense les URLs visitées récemment commençant par les mêmes lettres. La fonction de recherche du butineur façon Redmond n’est pas mal, surtout en ce qui concerne l’affichage. Dans le faux-cadre de gauche, les moteurs et le champ de saisie, sur la droite la page de résultats. Une des fonctions peut-être les plus intéressantes consiste en la possibilité de "sauver" un site. En effet, lors qu’une page vous apparaît intéressante, vous pouvez choisir de la sauvegarder (en incluant ou non les images, films, …). Bref, ni plus ni moins qu’un aspirateur de type WebBuddy, intégré à Explorer.
Growth
Voilà…
Voilà, les lumières se rallument après une salve d’applaudissements. Apple n’est pas qu’une entreprise, c’est une équipe, et ça se sent. Quant à nous, un sourire aux lèvres, nous voilà sorti d’une conférence dont on aurait aimé qu’elle fut présentée au monde entier..
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