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Prospective

Trop de design nuit…

MacPlus

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Je vois déjà certains yeux écarquillés à la lecture de ce titre. Comme si le design pouvait, dans le cas d’Apple, être une erreur…
Que l’on se rassure. Le design est devenu une erreur marketing quand on ne fait attention qu’à lui, ce qui est le cas aujourd’hui chez Apple. Petite analyse…

Le design, un rappel…
Le design n’est pas que le style du produit. Il inclut aussi son ergonomie. En fait, n’importe quel produit a un design, mais ce dernier n’est pas forcément “design”, au sens vulgaire qui voudrait dire qu’il a du style. L’industrie a croisé le design depuis les années trente. Le style art déco est une forme de design. On ne va appliquer les théories du design aux objets industriels, pour qu’ils se vendent mieux, que dans les années cinquante*. Mais ce n’est qu’avec l’apparition de l’iMac que l’informatique va appliquer ce concept… Le marché n’était jusqu’alors pas encore saturé et la demande se faisait presque exclusivement sur les deux aspects prix/performances.

Marketing et design…
Depuis quelques temps, quand des produits se vendent mal, qu’ils sont en “fin de vie”, on a recours à deux techniques : le lifting (on améliore un peu la R5 en Super5), le changement (voilà la Clio). Autrefois, le cycle de vie d’un produit dépendait plus des avancées technologiques relativement lentes que d’un besoin d’innovation. Aujourd’hui, les entreprises (particulièrement dans l’automobile, mais aussi dans l’informatique, sous l’impulsion d’Apple et de Sony) vont chercher à se “distinguer” de l’offre classique en innovant à la fois dans le domaine du design et dans celui de la performance technique. Apple a su mêler les deux, tant que la concurrence ne faisait pas aussi bien. Le design des Macs jusqu’en 95 était supérieur à celui des PCs, aussi bien du point de vue de l’interface graphique (qui se souvient de Windows 3.11 ?), que de la connectivité (à l’époque, un réseau de Macintosh pouvait se monter en une heure, on pouvait facilement partager des périphériques, accéder aux disques des voisins…). A l’époque, c’est l’ergonomie qui était privilégiée, bien que les boîtiers des UC fussent un peu plus jolis que ceux des PCs

Le design pour Steve…
L’une des tendances d’un certain marketing est de privilégier le design comme argument de vente. On l’a vu avec la New Beetle, bien que le design ait beaucoup plu, le “positionnement” et le “prix” – deux autres critères marketing – étaient si mal calculés qu’il a fallu les repenser pour vendre enfin la chose, contrairement à sa grande soeur, la Cox, qui s’écoulait très bien autrefois. Ce que fait Renault avec la Vel Satis est du même ordre. Va-t-on dépenser 80 000 francs (12 200 euros) de plus pour avoir une forme de voiture originale face à l’offre allemande ?

L’analogie avec Apple…
On pourrait rapprocher l’expérience de la New Beettle de celle du Cube. De bien jolis produits, qui fonctionnent sans problème, et qui se distinguent de l’offre concurrente par leur aspect. Sauf que l’offre concurrente est deux fois moins chère, à performances égales voire supérieures.
Envisager le design comme un argument marketing unique, c’est bien l’erreur. Quand les macmaniaques réclament des graveurs de DVD et des écrans 17 pouces à moins de 10 000 francs (1525 euros), ils ont raison. Que leur donne-t-on ? Des fleurs sur le capot d’un produit qui n’est plus une innovation, et dont le positionnement et le prix sont loin d’être flatteurs vis à vis d’une concurrence peu chère. Notre jolie R5 devient une Super5… L’erreur du Cube n’a pas été analysée, Steve Jobs persiste et signe.

Que faire ?…
Il faudrait dire à Steve de ne pas se fourvoyer dans une stratégie de niche trop distinctive. A vouloir être le Vuitton de l’informatique, on finit par se tromper de cible. Il faudrait au contraire vulgariser le design – par une politique de prix équivalents à ceux de la concurrence – et innover continuellement. Apple a suffisamment de trésorerie pour tenter le coup, en particulier à une époque où les producteurs de PCs semblent incapables de renouveler leurs produits. On pourrait largement imaginer des iMac grand standing, des iMac Télévision (deux produits en un) pour attirer les frileux du net et les accrocs de la télé, des PDA grands comme une page A4 qui serviraient à la fois de notebook et de livres électroniques, que sais-je encore ? OS X pourrait servir une telle politique.
L’important est sans doute d’écouter les consommateurs ; et la chose est d’autant plus facile qu’ils s’expriment sur le Net ; et de surveiller les prix des concurrents. Car après tout, avec l’introduction de standards industriels dans l’architectures des Macs (PCI, USB….), “coller à la demande” n’est pas impossible. On pourrait même imaginer (mais je délire sans doute) une firme qui, pour la première fois, fabriquerait non pas en fonction d’un cahier des charges interne, mais d’un cahier des charges conçu par des pools d’utilisateurs internationaux via le web….
On a le droit de rêver.

* voir à ce sujet Raymond Loewy, “La laideur se vend mal”, réed. 1990, Paris, Gallimard