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Prospective

Au delà du milliard du Music Store

Apple a annoncé jeudi matin que le cap du milliard de chansons téléchargées venait d’être franchi. L’histoire retiendra peut-être que le morceau était Speed of Sound, de Coldplay. L’onde de choc n’a en tous les cas pas fini de se propager.

Boro

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28 avril 2003 – 23 février 2006. Pratiquement 34 mois jour pour jour se sont écoulés depuis le lancement du disquaire numérique d’Apple, et chaque étape majeure d’un succès qui doit d’abord beaucoup à l’obstination de Steve Jobs a fait l’objet d’une communication systématique, si ce n’est une célébration. Les Majors du disque assises sur leur catalogue n’en voulaient pas, et en tous cas pas à ces conditions.

Le Music Store seul contre tous?

Qualifié de “vente sèche” par les professionnels de la musique, le modèle de la vente a l’unité ou par album n’a été en effet accepté par ceux-ci que contraints et forcés, sans même parler du prix symbolique de 0,99 $/€ par morceau sur lequel ils n’ont eu de cesse de revenir. Jobs n’a d’ailleurs jamais fait mystère qu’il lui avait fallu revenir à la charge pendant plusieurs mois pour réussir à monter avec l’iTunes Music Store la formule gagnante qui triomphe aujourd’hui : un catalogue vaste – 200 000 titres au lancement, plus de 2 millions aujourd’hui – un prix attractif, des restrictions d’usage favorables à l’utilisateur et un logiciel d’une simplicité d’utilisation évangélique… appuyés sur le baladeur miraculeux vendu à 42 millions d’exemplaires, que tout le monde cherche à déboulonner.

Une communication comme toujours remarquable…

Depuis le communiqué de presse faisant état du premier million de chansons vendues en moins d’une semaine aux seuls utilisateurs de Mac – quand rappelons-le le critère retenu pour décider de la réussite ou du l’échec de la tentative était d’atteindre ce chiffre au bout d’1 mois – chaque étape importante a fait l’objet d’un concours dramatisé par un compte à rebours jusqu’aux 100, 500, et aux 1 000 millions de chansons téléchargées dans les 21 pays qui abritent désormais un iTunes Music Store. A chaque fois, un iPod à gagner tous les 100 000 titres à partir du début du compte à rebours, et un grand-prix pour celui qui fera franchir le seuil fatidique au music store en achetant le morceau désigné par le sort.

Renaud Lambiotte l’un de nos lecteurs a d’ailleurs montré grâce à une petite extrapolation que le fameux concours ne s’effectuait pas à fonds perdus : le rush final vers le milliard de chansons entre 05 heures 07 et 05 heures 47 GMT a ainsi généré la vente de 183 523 morceaux, quand dans le même intervalle un jour de semaine ordinaire ce sont 88 000 morceaux qui sont vendus. Et Renaud de mettre en rapport la différence de près de 100 000 dollars de chiffre d’affaires avec le prix du gagnant : un bon d’achat de 10 000 $ sur le Music Store, 10 iPods et un iMac 20 pouces…

Les temps ont changé, pour de bon…

Mais si l’opération permet de récupérer au passage 2 ou 3 000 dollars sur l’organisation du concours, on est pourtant loin d’une simple affaire de sous : Steve Jobs qui ne se prive jamais de rappeler quand il a eu raison contre tout le monde - et comment ne pas lui accorder que c’est arrivé fréquemment – a pris d’ailleurs soin de marquer l’importance de l’événement… et de rappeler dans le communiqué de presse dans quel esprit il avait abordé la problématique de la musique en ligne : “Plus d’un milliard de chansons a été téléchargé légalement à ce jour, partout dans le monde, ce qui représente une force considérable contre le piratage de la musique et pour l’avenir de la distribution musicale dans son évolution du support CD à Internet.
Il ne s’agissait pas tant dans son esprit de faire du business que de proposer à cette génération une autre alternative au téléchargement illégal, “corrupteur pour la personnalité…

C’est d’ailleurs dans ce sens qu’on peut lire l’autre partie du prix offert à Alex Ostrovsky pour avoir acheté ce fameux milliardième morceau de l’iTunes Music Store : une bourse de l’école Juilliard de New York, l’une des
plus prestigieuses écoles de musique des États-Unis portera son nom. Manière à la fois de prendre date de façon un peu solennelle, et de réunir par syncrétisme les 2 passions fondamentales du CEO pour la musique et pour l’éducation…

de nouveaux métiers et d’autres ouvrages, pour le même dessein…

Jobs en a profité entre-temps pour réorganiser son entreprise, et se forger définitivement une stature de manager hors du commun. Le titre Apple AAPL vaut aujourd’hui 8 fois son prix lors du lancement de l’iTunes Music Store, et sa stratégie industrielle repose désormais si largement sur les 2 pôles de la musique et de l’informatique qu’il est question de donner davantage encore d’autonomie à la division iPod…

Apple doit relever d’autres défis, à commencer par la renégociation des accords commerciaux qui la lient aux 4 Majors du disque et à la première vague des Indépendants à l’avoir rejointe. Ainsi s’explique sans doute la phase de plateau autour des 2 millions de titres que connaît depuis quelques semaines le Music Store américain. L’issue de ces négociations pèsera très certainement sur celles qui suivront avant 1 an pour les premiers Stores Européens.

Dans le même temps, avec le chantier de la video en ligne c’est celui de la convergence numérique qui entre enfin dans sa phase finale. Et c’est 5 ans après l’intuition du “style de vie numérique” que le concept commence véritablement à trouver son application. Il faut espérer que le passage vers Intel donnera cette fois-ci à Apple les moyens matériels de concrétiser l’ambition de son co-fondateur, imaginée voici 30 ans : mener la révolution numérique jusqu’à son terme. Et si Jobs était finalement en passe de réussir?

Le communiqué de presse
1 billion!