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Prospective

La lune de miel Apple Intel…

Une année de transition. Très certainement moins, selon toute vraisemblance, du moins en ce qui concerne le volet matériel. Mais l’essentiel du changement à venir n’est peut-être pas là.

Boro

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L’année 2006 verra donc Apple franchir le Rubicon, pour rejoindre Intel sur l’autre rive avec l’ensemble de ses armes et bagages. Ironie de l’Histoire de la Sillicon Valley, c’est après tout juste 30 années à se construire en tant que contre-modèle de l’industrie IT que le petit Poucet de l’informatique va finalement se décider à faire un bout de chemin avec les héritiers des pères fondateurs de la micro-électronique.

Car n’en doutons pas, il va se passer des choses entre la mi-mars et le début avril 2006. Et les commémorations plus ou moins organisées qui vont marquer le 30e anniversaire de la fondation d’Apple le 1er avril 1976 ne manqueront pas de rappeler que le fondeur de Santa Clara et le constructeur de Cupertino n’ont pourtant jamais été très éloignés… d’autant que c’est dans un garage de Los Altos que l’histoire d’Apple a commencé…

Steve Wozniak avait tout d’abord pensé au processeur 8080 de la toute jeune Intel lorsqu’il avait entrepris d’imaginer l’architecture du futur Apple I. Celui-ci était particulièrement en cour dans le club de passionnés qu’il fréquentait, mais à 179$ la pièce, il préféra s’abstenir… Un autre choix possible aurait pu être le Motorola 6800 que l’on retrouvera plus tard dans Lisa et la première lignée des Macintosh, mais à 175$ l’unité… Woz jeta donc son dévolu sur le 6502 MOS Technology, nettement plus abordable avec ses 25$. En août 1981, I.B.M. entrait sur scène avec une machine très en retard basée sur un processeur Intel 8088 et sur un système d’exploitation baptisé MS DOS et signé Microsoft. 30 ans plus tard, ce sont les mêmes protagonistes qui sont convoqués sous nos yeux.

Tous en piste…

On n’est pourtant loin d’une fiction, et les relations entre les différents protagonistes s’apparenteraient sans doute davantage à celles des membres d’une même famille qui se pratiquent depuis longtemps qu’à des personnages de fiction ; ces relations complexes entre les acteurs, la part du spectacle et l’émerveillement du public tiennent d’ailleurs beaucoup du monde du cirque… sans compter la somme énorme de travail que tout cela demande.

Ne nous y trompons pas : la mise en scène anniversaire du 10 janvier à San Francisco est pourtant à bien des égards bien moins factice que la “revue” qui se tient maintenant à pareille époque à Las Vegas. Le maître de maison – ou de cérémonie, comme on voudra – avait cette année encore bien fait les choses.

Soyons honnêtes : Steve Jobs est un bateleur extraordinaire et sa prestation le 10 janvier dernier sur l’estrade du Moscone Center n’a pas failli à la tradition : les prestigieux invités-vedettes Roz Ho et Paul Otellini ont été à la hauteur de ce que l’on attendait d’eux : sympathiques et accessibles pour la forme, et annonciateur d’une collaboration à long terme pour le fond.

La pierre de “Roz-etta”

Roz Ho la responsable de la Macintosh Business Unit – le département en charge des logiciels Mac chez Microsoft – a ainsi profité de l’ambiance euphorique qui régnait au Moscone pour faire passer comme une avancée le rattrapage d’Entourage sur l’utilisation des fonctions d’iSync et de Spotlight en mars prochain, soit un an tout juste après la sortie de Tiger… Mais l’essentiel du message n’était pas là et Roz était venue renouveler l’assurance de l’investissement de la MBU dans la plate-forme à ses différents stades : amélioration des produits existants afin que ceux-ci fonctionnent de façon satisfaisante sur les machines Intel avec Rosetta – le traducteur pour les applications écrites de façon native pour la version actuelle de Mac OS X – et bien entendu la confirmation que les ingénieurs de Redmond sont à leur ouvrage pour livrer une version ‘Universal Binary’ – utilisable aussi bien G3/ G4 que sur MacIntel- aussitôt que possible…

Mais c’est d’une part l’engagement formel pris par la MBU de continuer à développer Office et un certain nombre de produits pour Mac pour une durée minimum de 5 ans, en contrepartie d’une coopération plus en amont Apple – ce qui à l’évidence n’a pas toujours été le cas – et d’autre part l’annonce d’une coopération étroite entre les 2 sociétés pour reconstruire “de zéro” une version de VirtualPC à même de fonctionner sur les MacIntel qui marquent l’importance de l’accord qui vient d’être signé. Du moins en ce qui concerne les produits “solvables” de la MBU : si des traducteurs pour les nouveaux formats Microsoft Office Open XML et l’amélioration des fonctions “entreprise” de Messenger pour Mac ont fait partie du lot, Internet Explorer et Windows Media Player ont vu leur développement officiellement abandonné. La bataille des standards audio visuels n’est sans doute pas tout à fait terminée… :langue

L’offrande d’Otellini

Paul Otellini, le P-DG d’Intel arrivant dans un nuage de fumée, deguisé en un de ces Intel Bunnies il n’y a pas si longtemps si cruellement raillés aura finalement eu sa revanche : c’était lui qui en quelque sorte fait figure de sauveur, malgré la méfiance actuelle d’une part de l’aficioon de Cupertino. C’est l’avenir qui dira si le Core Duo d’Intel – et tous les chipsets qui l’accompagnent –
sera vraiment ce rédempteur que promettait d’être le PowerPC 970 d’I.B.M., après le calvaire qu’a pu représenter le parcours du PowerPC 74xx de Motorola. Mais la “gaufrette” de Core Duo apportée ostensiblement par Otellini est véritablement du pain béni pour Jobs. Et s’il ne s’est pas privé de théâtraliser les écarts de performances entre les anciennes générations et les “nouvelles” machines, c’est que l’essentiel s’était joué avant sous les yeux du public.

A partir de là, le numéro bien rodé avec Steve Jobs dans le rôle de Monsieur Loyal, et Phil Schiller dans celui de l’Auguste avec le MacBook et sa caméra embarquée n’était là que pour pour achever d’emporter l’assistance. Le cirque avait de nouveau oublié que ses racines puisant dans l’arène.—–

le ‘champ de distorsion de la réalité’ à son apogée

ThinkSecret l’avait évoqué à la dernière minute, et d’autres sites l’ont en effet confirmé depuis : le show si efficace qui s’est déroulé le 10 janvier devait en effet durer davantage, et le faisceau satellite qui retransmettait l’événement aux différentes divisions régionales avait été réservé pour 2 heures au lieu des 90 minutes de la “performance”. Et si l’on la considère d’un peu plus près, on se rend compte que la partie consacrée aux 2 suites logicielle y prend un espace beaucoup plus important que celle dévolue à la partie plus spécifiquement “hardware“, quand les Keynotes sont ordinairement affûtées et équilibrées comme le couteau d’un maître japonais dans l’art de préparer le fugu… C’est donc qu’il y manquait quelque chose, et même le plus important selon quelques indiscrétions, et quelque chose qui ne devrait sans doute pas tarder – du moins si l’on en croit Steve Jobs qui a énigmatiquement pris congé de l’assistance avec un énigmatique ‘à bientôtt‘…

Un changement en trompe l’œil ?

Et si l’on considère le nouvel iMac et le MacBook Pro présentés, force est de constater qu’e ceux-ci font davantage figure de machines de transition – voire même de prototypes de validation pour un concept – que de véritables modèles nouveaux, avec ce que les performances et la taille minimes du processeur autorisent potentiellement en termes d’audace industrielle… a fortiori pour un créateur de la veine de Jonathan Ive… Si le design de l’iMac date de septembre 2004, celui du MacBook Pro remonte pour sa part à janvier 2003… Les cartes mère signées Intel privent les 2 machines – dont le portable professionnel présenté lors de son lancement en avril 2004 au NAB de Las Vegas comme un banc de montage numérique idéal – du port FireWire 800 présent depuis 3 ans et sur lequel s’appuient les solutions tierces professionnelles…

Il est vrai que la dernière génération de PowerBook G4 dévoilée fin octobre était paradoxalement moins efficace que la précédente pour l’encodage video… malgré l’adoption de l’architecture PCI-Express, avec l’utilisation de la suite logicielle d’Apple, qui plus est ! Mais si l’on regarde le comportement du MacBook Pro Duo 1,83 face au PowerMac G5 Dual 2 GHz dans des tâches multimedia, le PowerMac se révèle 20% plus efficace pour l’encodage iTunes et 25% en ce qui concerne l’encodage video avec QuickTime. Pour le décodage de video, c’est le MacBook Pro qui prend l’avantage face au PowerMac. Est-ce grâce à l’architecture PCI Express, le Core Duo reproduit-il la représentation familière PowerPC = production / Intel x86 = consommation et sommes-nous vraiment face à un saut technologique comparable à celui que représentât à son arrivée le G3 en termes de performances? L’avenir dira s’il s’agissait d’une voir royale ou d’un cul-de-sac…

Mais à l’évidence, les 2 machines présentées au mois d’octobre et leurs 2 siamoises dévoilées ce début janvier ont été mises au point en parallèle, et les 2 lignages sont maintenus côte à côte pour estimer aussi la réponse du marché et valider le comportement des nouveaux programmes. Quant aux MacBook Pro, ils sont tout simplement sortis pour aider ceux qui décidément ne pouvaient plus attendre. La configuration actuelle de la carte-mère n’aurait en tous les cas pas à rougir dans quelques semaines dans un nouveau châssis grand-public…

Un prestidigitateur hors-pair

Il s’est donc bien passé quelque chose… en grande partie sous nos yeux. Si on a beaucoup daubé depuis 20 ans sur Steve et la redoutable efficacité de son ‘reality distorsion field’‘, celui-ci repose avant tout sur la force de persuasion de son propriétaire et sa capacité hors du commun à faire littéralement disparaître certaines données du champ perceptif de ses interlocuteurs en focalisant leur attention sur certains détails, à la manière d’un prestidigitateur ou d’un joueur de bonneteau…

Manquaient ainsi à l’appel l’interprétation du media center adapté au mac mini, et donc il ne faut pas être grand-clerc pour supposer qu’il mettra à profit le protocole ViiV, ainsi qu’un certain nombre d’accessoires pour le compléter (voir la chronique du 6 décembre 2005). Dans le même temps, c’est iPod shuffle 1 Go – pourtant donné comme “définitivement indisponible” depuis la mi-décembre – est de retour sur les différents Apple Stores en ligne, disponible plus rapidement que son grand frère nano 4 Go…

Une révolution culturelle en marche

Mais surtout, le 10 janvier dernier a posé véritablement la réorganisation d’Apple et de son business model sur des bases nouvelles. D’une part parce que comme annoncé dès février 2003 par Fred Anderson, le nombre des logiciels signés Apple a bien commencé de croître, y compris dans les revenus (voir la dépêche du 26 février 2003). Pourtant la vraie révolution réside dans le fait qu’Apple – qui avait été jusqu’à concevoir les cartes mères des serveur-lames PowerPC 970 pour IBM -se repose désormais sur son fondeur attitré également en ce qui concerne les cartes-mère de ses machines, et vraisemblablement pour un certain nombre de technologie connexes, quand elle gardait jusqu’à présent jalousement son indépendance sur ce plan.

S’agit-il d’une tendance de fond ou est-ce pour répondre à l’urgence d’un calendrier de transition nettement accélérée? Si un millier de personnes chez Intel ont travaillé sur les projets Apple depuis plusieurs mois, il serait très intéressant de savoir combien de personnes chez Apple ont en réalité travaillé sur le volet matériel du projet Intel. “L’externalisation” d’une partie-clé de la conception relève à la fois du pragmatisme de Jobs – les ingénieurs de Cupertino n’ont jamais tout à fait réussi à résoudre l’équation de la carte-mère du PowerMac G5 – ou vise t-elle à dégager les ressources
nécessaires pour mener à bien le changement majeur qui est en train de s’opérer devant nos yeux.

Vers une généralisation du modèle de l’iPod?

Apple est en effet en train de faire évoluer son son modèle industriel tout entier à la manière de celui de l’iPod. De la même manière que le business model de l’iPod repose aussi bien sur le baladeur que sur le logiciel iTunes et le fournisseur de services iTunes Music Store… mais aussi tous les fabricants d’accessoires de l’ “écosystème iPod”, tout se passe comme si Apple était en train de se placer dans une configuration où le volet logiciel de la société ne sert plus de faire-valoir à un hardware tout-puissant, mais se comporte comme un pilier essentiel de l’ensemble, capable de générer une véritable valeur ajoutée sur le plan de la notoriété… mais aussi en termes de revenus.
C’est du moins ainsi que l’on peut lire la montée en puissance des suites iLife`06 et iWork`06 présentées à San Francisco, ou bien encore la suite Final Cut Studio qui devrait être faite en avril au NAB de Las Vegas (voir la dépêche du 18 janvier 2006). Et que dire de la place désormais réservée à Mac OS X?

Mais la clef de voûte sur laquelle la cohésion de l’ensemble va de plus en plus reposer est le volet “service” de l’ensemble, comme en témoigne la fantastique intégration de Dotmac dans iLife`06, et que l’on retrouvera très certainement dans les évolutions du Music Store et l’interprétation d’Apple du Media Center. Mais c’est également lui que l’on retrouve dans le Genius Bar ou le Studio des Apple Stores en dur, ou bien dans le support utilisateur de l’AppleCare de plus en plus régulièrement plébiscité dans les enquêtes de satisfaction. Payante ou gratuite, c’est cette même notion de service qu’Apple essaie de pousser auprès de ses revendeurs.

Reste en suspend l’attitude et l’investissement vis-à-vis de la communauté des développeurs Mac : parlera t-on un jour de l’écosystème Macintosh comme on parle aujourd’hui d’écosystème iPod?

Le transcript du Keynote sur MacPlus
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