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Prospective

Apple “roque” vers Intel

La rumeur a enflé tout le week-end, et jusqu’au bout, les aficionados ont tenté de se convaincre que “ça” n’était pas vrai… Or après 25 minutes de keynote, Steve confirme : “It’s true…”

Boro

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On a coutume de dire de Steve Jobs qu’il arriverait à vendre de la glace à un Esquimau, l’expression étant attribuée à Bill Gates qui, rappelons-le, non seulement vend depuis 15 ans du sable à des bédouins, mais surtout a su mener sa barque de façon à ce que lesdits bédouins attendent les mises à jour avec impatience…

Ce serait pourtant vers l’éducation qu’il faudrait se tourner pour trouver la bonne image : en faisant “passer” hier la transition du PowerPC vers Intel comme une lettre à la Poste, face à la communauté de ses développeurs (voir la retranscription de la keynote), Steve a fait une fois de plus la démonstration qu’en tant que prof de philo il aurait pu faire passer la plus ébouriffante des théories à une horde de lycéens de terminale en pleine crise de doute et de remise en question de tout ce qui peut ressembler à de l’autorité.

Or si l’on aurait pu craindre un moment une bronca dont seule l’aficiòn de Cupertino a le secret, il n’en a rien été : le morceau de bravoure de cette matinée étant sans conteste Paul Otellini, venu benoîtement rappeler sue la scène du Moscone Center combien les cultures d’Apple et d’Intel étaient proches… On a certes pu oublier la vieille amitié qui unit Jobs et Bob Noyse, le co-inventeur du circuit intégré avant de fonder Intel avec Gordon Moore, mais le compagnonnage du fondeur avec Redmond ne sera pas sans laisser de traces, tant il est vrai qu’on a pu parler de système “Wintel” pour décrire un processus où la lourdeur du code de l’OS demandait sans arrêt davantage de puissance processeur, pour entretenir un cycle de renouvellement des machines bien au delà du raisonnable…

Sur le papier, et si l’on suit l’exposé de Steve, les choses sont claires : IBM et son PowerPC sont incapables de présenter une perspective suffisante en termes de puissance, et surtout de consommation. Selon le diagramme présenté, en juin 2006 les puces Intel seront capables de délivrer plus de 4 fois plus de puissance par Watt consommé que les PowerPC… On en oublierait presque que les actuelles puces de Santa Clara fonctionnaient jusque récemment davantage selon les principe de la loi Joule que de la loi de Moore…

La Pierre de Rosette

Le reste n’est qu’une affaire de démonstration de la part de ce camelot de génie qu’est Steve Jobs : le fameux “champ de distorsion de la réalité” est si efficace que ce passage vers Intel, présenté comme une 3e transition, semblerait presque aussi “naturelle” que celui du 68000 Motorola au PowerPC, ou de Mac OS 9 à Mac OS X…

On a ainsi eu hier soir officiellement confirmation de ce qui se murmurait : à l’instar d’OpenSTEP sur les fondations duquel il est construit, OS X est capable depuis l’origine de fonctionner dans un environnement x86 que sur PowerPC (voir l’édito du 23 mai 2005). Mieux : la plupart des applications, mais aussi des machines seront prévues dès l’origine pour fonctionner indifféremment autour des DEUX architectures. A la fin de la décennie 90 et avec le choix de Motorola de redéployer
l’essentiel de son effort vers la téléphonie mobile, Apple doit absolument avoir une solution de rechange immédiatement disponible si son partenaire lui fait défaut…

La clef de voûte de la transition et de de la programmation trans-plateforme est XCode 2.1, qui permet dès la conception d’obtenir une version Intel ou PowerPC, ou Universal Binary si l’application est compilée pour les 2 plateformes… Notre iiome soulève d’ailleurs qu’Universal Binary est très probablement en filiation directe avec NeXT’s Fat Binary…

Et quant aux applications qui ne seront pas optimisées pour l’une ou l’autre, elle pourront quand même tourner quelle que soit la puce grâce à Rosetta, dont le Champolion n’est sans doute que le Pr Rawsthorne, l’inventeur de Transitive (voir l’édito du 5 juin) si l’on en croit le New York Times…

Un certain nombre de questions

Une fois le champ de distorsion de la réalité dissipé, il reste tout de même un certain nombre de questions en suspend.
Même si Steve Jobs a cherché à rassurer en insistant sur le fait que d’excellents produits embarquant du PowerPC étaient encore dans les tuyaux, on peut tout d’abord se demander comment va réagir l’ensemble de la communauté Macintosh, après le tremblement de terre qui vient de se produire, et ne risque-t-on pas d’assister à des comportements d’attente d’ici les premiers modèles Intel, probablement lors de la MacWorld de janvier prochain…

Même s’il se murmure que très peu d’applications tiraient réellement parti d’ Altivec et de la supériorité pour les calculs en virgule flottante, ce sont tout de même ces fonctions-là qui sont préférentiellement utilisées pour l’audio/video et les applications scientifiques [[Le jeu d’instruction MMX du SSE2 du Pentium est lui-aussi sous-utilisé, du fait de sa difficulté de programmation]]. La puissance de calcul sur les entiers fera-t-elle la différence, ou quelque chose d’autre est-il aussi dans les tuyaux d’Intel?

Dans le même ordre d’idée, l’architecture RISC et le PowerPC sont bien plus efficaces que le CISC en ce qui concerne la gestion des requêtes. Les registres utilisés préférentiellement par le PowerPC sont beaucoup plus nombreux que sur le x86, où l’on stocke les requêtes en attente dans une pile, en mémoire vive, ce qui rend les applications beaucoup plus instables… Steve Jobs a d’ailleurs utilisé le terme d’Intel plutôt que d’x86 tout au long de son intervention : y a-t-il une autre surprise prévue dans les cartons du côté d’Intel, et feront-ils l’autre moitié du chemin?

[Enfin est évoqué le problème de la gestion des DRM et des capacités “Next Generation Secure Computing Base” (ex Palladium, ça fait moins peur) (voir l’édito du 29 mai) inaugurées avec la série des Pentium D. Certains veulent déjà y voir les fameuses “capacités” nécessaires aux projets futurs, etqui ont motivé le changement de fournisseur. Apple a-t-elle du donner des garanties de cet ordre-là à Hollywood?]

Il reste qu’il s’agit réellement d’une révolution, le mot cette fois-ci n’est pas galvaudé. Microsoft a fait le choix d’IBM et du PowerPC, puis Apple celui d’Intel pour ses ordinateurs. Pour autant, on est prévenu chez Intel : Apple a toujours en réserve une solution de repli. La suite sera-t-elle à la hauteur des derniers rebondissements?