Apple en met plein la vue
On a beaucoup glosé début 2004 sur le thème des 20 ans du Mac. Les annonces d’hier marquent qu’un nouveau cycle commence aujourd’hui.
20 ans. Une génération pour les démographes, quand les les sociologues s’accordent en général à en ramener la durée à 10 ans : c’est à aussi ce qu’il aura fallu à Apple pour inventer l’informatique grand-public telle qu’on la connaît aujourd’hui… avant de s’en faire pratiquement pousser dehors par Windows 95.
Or les différentes annonces faites au MacWorld de San Francisco ce 11 janvier 2005 marquent la volonté de Cupertino de venir travailler “au ras”, la clientèle qui lui manquait… ou pire, qui lui avait peu à peu tourné le dos. Le Mac mini et iPod shuffle procèdent ainsi de la même démarche : aller sur les segments les plus “serrés” du marché où Apple se refusait d’aller jusqu’alors, et en faisant non plus la preuve de son excellence, mais plutôt celle de son nouveau savoir-faire en matière de rapport qualité prix.
Un Mac “pour voir”
Il reste encore à tester les 2 produits pour s’assurer qu’ils ne souffrent d’aucun défaut rédhibitoire, mais à voir le petit sourire satisfait affiché par Steve Jobs, l’équipe d’Apple sait désormais faire aussi bien à partir d’un ticket de caisse que d’une feuille blanche sur sa planche à dessin.
Mais cette petite révolution en apparence est en fait une étape supplémentaire dans la “refondation” d’Apple depuis que Steve Jobs a entrepris de rebâtir l’entreprise dont il avait été le co-fondateur, à son retour en 1997. En s’appuyant sur ce qui a fait sa particularité, la confluence entre matériel et logiciel.
Même si la démarche en direction du grand-public faite avec Mac mini et iPod Shuffle est évidente et reprise partout, Apple présente des produits d’entrée de gamme, musicaux mais aussi informatiques, alors qu’elle était désormais carricaturée comme le fabriquant hors du coup de gadgets chics et branchés. Elle fait ainsi la moitié du chemin en investissant des segments du marché sur lesquels elle se refusait jusqu’ici d’aller, en direction d’une clientèle qui n’aurait été spontanément vers elle… ou qui l’attendait depuis longtemps.
Mais cela n’a été rendu possible que grâce à l’épuration jusqu’à l’extrême de la fabrication, de la logistique et de la distribution, en allant jusqu’à la création d’une chaîne de magasins de détail en nom propre et avec un concept particulier… et avec les incidents de parcours que l’on sait.
iPod a permis de servir de “démonstrateur” grandeur nature du concept
de Hub Numérique que Jobs n’a jamais perdu de vue, tout en permettant à Apple de bénéficier d’un formidable capital de sympathie. En même temps, Cupertino pouvait réinvestir le secteur professionnel grâce au PowerPC G5 : la création avec le PowerMac et l’Entreprise et la recherche avec le Xserve.
La démonstration de son “excellence”, terme revendiqué par Jobs sur CNBC”, ayant été faite auprès du monde PC avec iMac G5, il ne restait plus qu’à proposer quelques chose aux particuliers ou aux gestionnaires de parcs informatiques qui disposent déjà d’un écran et des périphériques nécessaires, attendaient juste un bon prétexte, “un prix-appel-du pied” pour essayer le Mac, “pour voir”.
Or si le Mac peut se glisser désormais dans un monde PC comme s’il était chez lui, au point de pouvoir en enfiler les oripeaux comme s’ils étaient les siens, c’est bien entendu à OS X qu’il le doit. L’UNIX made in Cupertino est la clef de voûte de l’édifice, avec sa capacité naturelle à communiquer avec les autres systèmes, sa stabilité… et bien entendu sa sécurité.
Car aux États-Unis en particulier, les utilisateurs en ont assez de voir leur vie empoisonnée par toute une faune parasitaire de virus, vers, trojans, logiciels-espions, et par tous les pourriels qu’ils entraînent.
La plupart des logiciels du versant ludo-créatif du Hub numérique développés en interne étaient déjà présents sur OS 9, ou presque. iPhoto puis GarageBand ont rejoint iTunes et une adaptation de Final Cut démocratisé à l’extrême.
Mais outre GarageBand 2 qui devient à la musique ce que iMovie a pu représenter voici 2 ans pour le montage video, le support du format MPEG-4 et de la Haute Définition rend iLife `05 et Final Cut Express HD prêts pour le codec H.264, qui sera intégré de façon native à la prochaine évolution d’ OS X.
Quant à iWork, il insère un pôle productif dans le Hub Numérique, en faisant bénéficier Pages et Keynote 2 des contenus visuels du pôle créatif d’une façon aussi évidente qu’iTunes peut partager ses fichiers musicaux avec les applicatifs video-graphiques d’ iLife…—–
Une image retrouvée
La présentation d’un Mac grand-public, ou plutôt “tous publics” puisqu’il est d’emblée positionné aussi bien pour les salles d’informatiques de l’Éducation ou les Grands Comptes équipant un grand nombre de postes de travail que le particulier, marque donc bien davantage que la simple présence “témoignage” sur le créneau des ordinateurs à moins de 600 dollars ou euros.
Le conditionnement a beau être de la taille d’un paquet de lessive, l’ordinateur qui est à l’intérieur porte le “branding” [[comme nous le faisait remarquer Zeno]] du créateur de l”iPod, avec une allure générale qui tient à la fois du Cube et d’iMac G5. Il est surtout là paradoxalement pour se faire oublier, au moment où l’étoile de Microsoft pâlit et n’est pas loin de commencer de décliner. OS X, au même titre que les autres UNIX palmipèdes, apparaît désormais comme un recours, et alors qu’à Redmond on perd désormais toute contenance lorsqu’on évoque le “Logiciel libre”…
La perception des analystes a certes changé (voir la chronique du 7 décembre) après celle des responsables IT mais si OS X a gagné la bataille de la crédibilité, à commencer par le monde de l’Entreprise, il reste à Cupertino à réussir à vendre désormais davantage de machines pour faire tourner son beau système d’exploitation dessus… Les nouveautés apportées par OS X 10.4 Tiger vont certes encore améliorer cette perception mais la dynamique semble d’ores et déjà enclenchée : si Apple a certes battu des records historiques en vendent 5 fois plus d’iPod au trimestre dernier, elle a aussi des résultats en progression de 25% sur les ordinateurs, et par exemple +101% sur iMac et eMac…
Les logiciels présentés à San Francisco sont paradoxalement là pour soutenir et amplifier cette demande : il ne s’agit plus tant de se différencier par rapport à Windows que d’apporter la preuve que l’on peut apporter un “plus” par rapport à une configuration Linux, notamment dans le secteur de l’Éducation, sans pour autant se poser en rival…
Mais si la dynamique fonctionne et que rien ne vient la désunir, en particulier en ce qui concerne la distribution et la fiabilité des produits, on pourrait bientôt voir des parts de marché comparables à celle du secteur de l’Éducation, entre 12,5 et 15%, et beaucoup plus rapidement qu’on ne croit…
PS : allez lire la perception de iiome sur le Keynote ici et tannez-le par mail pour qu’il se remette à faire des dépêches pour MacPlus :lol.