Corée du Sud : Samsung lavé de tout soupçon d’abus sur brevets FRAND
La Commission sud-coréenne du Commerce a débouté Apple d’une plainte portant sur les abus supposés de Samsung quant à l’utilisation de brevets essentiels, et ce à des fins d’interdiction de produits concurrents. Si la décision n’étonne pas forcément, les arguments de la commission pavent la voie à un Samsung maître chez lui, la question du maintien d’Apple en Corée risquant vraisemblablement de se poser à terme.
Car sur la forme, même si la commision a finalement tranché dans un sens identique à celui du Doj américain, les explications apportées à cette décision semblent donner les clefs du royaume à un Samsung qui n’aura plus qu’à brandir des brevets essentiels encadrés par des licences hors de prix et abusives pour faire fuir n’importe quel concurrent du pays, à moins que celui-ci n’accepte ce qui s’apparentera de fait à un simple rançonnage.
La commission a en effet estimé que Samsung ne pouvait être en situation d’abus de position dominante au vu des dizaines de milliers de brevets FRAND portant sur le seul secteur des transmissions 3G. Sauf que cette comparaison est particulièrement inepte et un total non-sens juridique puisqu’un seul brevet FRAND peut faire barrage : par définition un brevet essentiel est unique et ne peut être contourné. Pour être plus clair, le fait que d’autres concurrents possèdent des brevets FRAND ne pourra pas donner de portes de sortie à une entreprise qui se retrouverait face à un détenteur de brevets voulant abuser de tarifs de licence excessifs, même si ces tarifs ne portent que sur très peu de brevets essentiels.
Les brevets FRAND n’étant pas interchangeables, peu importe qu’il y en ait 10 ou 20 000 qui tournent autour d’une même technologie : Apple a toujours précisé payer des licences importantes sur un pool de plusieurs centaines de brevets essentiels contenus dans l’iPhone. Mais s’il advient qu’un seul de ces porteurs de brevets lui refuse un seul de ses brevets FRAND contre une licence Equitable, Raisonnable et non Discriminatoire, alors Apple n’aurait plus qu’à remballer son iPhone dans ses cartons, ou bien plier face au chantage et payer la somme délirante demandée par le porteur du brevet. La Commission Coréenne ne semble pas avoir saisi cette problématique pourtant simple et choisit ici délibérément de donner à Samsung un feu vert total qui peut lui permettre d’éloigner tout concurrent gênant en lui opposant des tarifs hors normes pour ses licences FRAND.
On est très loin de la situation américaine : si le Doj a laissé Samsung libre de continuer ses affaires, c’est en précisant dans la foulée que l’entreprise resterait sous surveillance active. L’abus n’est pas encouragé. En Europe, la situation est encore plus claire puisque l’enquête de la commission européenne a déjà forcé Samsung a abandonné le volet “interdiction de vente” de ses plaintes sur brevets FRAND. Rien de tel en Corée du Sud. A côté des explications de l’agence gouvernementale, même le veto d’Obama sur l’ITC ne paraît plus si “protectionniste”, ce qu’il n’était pas de toute façon sur le fond.
Par la voix de son porte-parole, Apple s’est déclaré bien sûr très déçu de cette décision, et il est permis de penser que cette fois la déception doit être bien au delà de la déclaration publique. Au prix où risque de s’établir le ticket d’entrée du marché sud-coréen, maintenant que le terrain a été bien dégagé pour Samsung, il ne serait plus si étonnant que le fabricant américain décide tout bonnement d’abandonner le terrain à son plus farouche concurrent. Si tel devait être le cas, la Corée du Sud y gagnerait la protection presque absolue de son géant national, mais aussi la réputation d’être l’un des marchés le plus fermé et le plus protectionniste qui soit.