Commentaire de la réponse du ministère
Passé la première lecture, plutôt facile, de la lettre du ministère, nous nous sommes penchés un peu plus avant sur sa teneur réelle. Que de surprises, que de questions encore en suspens ! Remettons cette réponse sous les yeux, et soyons tâtillons…
Analyse
Ainsi donc le gouvernement décidera de règles économiques et pédagogiques pour équiper nos établissements scolaires, mais sans imposer de choix aux collectivités, celles-ci restant libres de choisir suivant les décisions précédemment édictées par le gouvernement… l’argument est habile, convenons-en. D’où question :
– Quels sont ces "règles […] des critères économiques et surtout pédagogiques" ?
Le ministère nous assure que nos craintes de sanctions envers tout établissement, quel qu’il soit, qui aurait choisi le Mac, sont sans fondement. Dont acte. Mais rien n’est dit quant au reste. Quant à la liberté réelle de choisir. Quant à l’essentiel, donc. Car il est bien évident qu’on ne peut subir de sanctions pour une telle décision si on n’a pas le loisir de la prendre. D’où question :
– Pourquoi vouloir nous faire croire que les collectivités seront libres de choisir si elles ne peuvent se décider que "dans le cadre des règles proposées par le ministère" ?
On sait la valeur "propositionnelle" des règles ministérielles. Quant à l’impartialité requise vis-à-vis de ces choix, il nous semble légitime de douter qu’elle soit bien réelle, étant donnée les déclarations de Lionel Jospin, notre souriant Premier Ministre, dont la poignée de main avec le PDG de la plus grosse compagnie informatique mondiale de logiciels d’exploitation n’est pas passé inaperçue.
Ainsi donc le gouvernement désire passer un accord d’équipement avec Microsoft. Mais Microsoft ne vendant pas d’ordinateurs, c’est donc au couple Wintel que Lionel Jospin a décidé d’accorder sa confiance. Est-ce à dire qu’il est possible à un gouvernement d’être impartial tout en contant fleurette à celui que d’aucuns surnomment le Maitre du Monde, et dont les pratiques commerciales, si elles ne sont pas punies, n’en sont pas moins âprement discutées et contestées un peu partout dans le monde ? "Oui" est, somme toute, la réponse qui nous a été faite. D’où question :
– Pourquoi avoir reçu Bill Gates, mais aucun membre d’Apple ?
D’Apple ou bien d’autres compagnies d’ailleurs, un représentant d’UbiSoft s’étant également plaint sur les ondes radio de n’avoir pas été consulté par le ministère. Encore un peu, et nous finirions par croire que Redmond subventionne le gouvernement… ce qui pourrait expliquer, pour les esprits méfiants que nous n’osons pas être, la teneur de la réponse qui nous a été adressée par le cabinet du Ministre.
Quand de plus, dans cette même réponse, il nous est assené que les inspecteurs de l’enseignement exigent que les élèves évoluent sous le même système d’exploitation toute leur scolarité durant, on ne peut que constater d’une part le passage des sbires de Redmond ("vous nous choisissez, vous prenez tout, et vous ne prenez que nous"), de l’autre que le choix entre Mac et Wintel est déjà effectué. Pensez-vous sérieusement que le gouvernement conseillerait le Mac du CP à la Terminale ? Si cette éventualité nous paraît bien évidemment la meilleure, il ne faut pas pour autant se leurrer. Nombreux sont ceux qui s’éleverait contre une telle décision, et nos technocrates le savent fort bien. D’où question :
– Pourquoi vouloir nous faire admettre, comme si cela tombait sous le coup de l’évidence alors qu’il n’en est rien, "que par souci de cohérence économique mais aussi pédagogique, un groupe d’ établissements soit doté du même parc informatique" ?
Economiquement, il n’y a aucune cohérence à ne pas faire jouer la concurrence. Pédagogiquement, il n’y a aucune cohérence à ne faire connaître qu’une seule façon de travailler. Comme le souligne un de nos lecteurs, "l’uniformité n’est pas une vertu". Et il serait certainement bien plus souhaitable de fournir à nos bambins un aperçu général de l’univers informatique que de les obliger à ne connaître qu’un seul monde. Sans compter que, toujours selon ce lecteur perspicace et plein de bon sens, cela leur permettrait "de pouvoir à l ‘avenir choisir le plus efficace pour une acquisition personnelle… le Mac !" A la lecture de ce paragraphe, il faudrait être bien naïf pour croire que ce "même parc informatique" soit exclusivement constitué de Macintosh.
Somme toute, la réponse qui nous a été faite n’éclaire que le point des sanctions. Rien n’est vraiment dit sur le reste.
Conclusion
A ce "total" qui n’en est pas un, nous nous permettons donc d’opposer notre plus vif scepticisme, ainsi qu’une désagréable impression, de l’ordre de celles que l’on ressent face à un discours plutôt vide. Le choix Wintel semble quasiment fait, aussi nous permettons-nous encore une mise en garde :
– Monsieur le Ministre, à une certaine époque, Apple avait fait une offre que votre homologue avait rejeté au profit des TO-7 aujourd’hui au placard…
– Monsieur le Ministre, aujourd’hui justement s’offre à vous, à nous, et surtout à nos enfants, la possibilité d’utiliser un matériel fiable, convivial, rapide, performant, durable et économique, celui d’Apple, et vous semblez vouloir à nouveau le dénigrer, cette fois-ci au profit des outils Wintel…
– Monsieur le Ministre, vous ne dégraisserez pas le mammouth avec des outils de l’âge de pierre..