MacOS X : coup d’arrêt ou coup de maître ?
S’il est incontestablement un événement qui va marquer l’Histoire du Macintosh, c’est bien la sortie, samedi 24 mars, du nouveau système d’exploitation d’Apple, Mac OS X.
Comme lors du lancement de l’iMac, coup de poker génial mais risqué de Steve Jobs, c’est sans doute sa survie que va jouer Apple dans les prochains mois.
Coup de rétroviseur
Avant 1995, les « systèmes » d’Apple ne connaissaient pas de concurrent direct. Ni OS/2, ni Windows 3.x n’offraient plus qu’un vague ersatz d’ergonomie, et si le Mac était un produit élitiste et cher, son positionnement « haut de gamme » se justifiait par une facilité d’utilisation unique. Mais la déferlante Windows 95 allait totalement remettre en cause ce rapport de force, en offrant, malgré ses défauts, une alternative crédible, et surtout bien meilleur marché, à Mac OS. Dans le même temps, Apple changeait totalement sa gamme de processeurs et adoptait le PowerPC ; il en résulta un série de systèmes d’exploitation plus instables les uns que les autres, les (hélas) fameux 7.5.x.
La conjugaison de ces deux évènements fut terrible pour Apple, qui vit ses parts de marché s’écrouler, et une bonne partie de ses fidèles s’éloigner vers la plate-forme Wintel. On croyait alors encore (un peu) à Copland, système révolutionnaire et fantôme que l’on parait alors des plus grandes vertus (mémoire protégée, rapidité, éventuel support multi-plateformes)…. Ledit Copland, enferré dans les problèmes de compatibilité descendante, ne vit jamais le jour, même si nombre de ses composants furent intégrés aux versions 8.x et 9.x de Mac OS. Lorsque la monumentale tâche de recréer de toutes pièces un système fut définitivement jugée illusoire, Gil Amelio, alors CEO de Cupertino, envisagea le rachat de BeOS ou de NeXT, afin de servir de fondement au « système du XXIe siècle ». NeXT fut élu, et avec lui Steve Jobs, qui remit alors les pieds dans l’entreprise qu’il avait fondée, et dont il avait été assez cavalièrement exclu quelques années plus tôt.
Coup de dés ?
Le succès de Mac OS X est loin d’être assuré. Même si ses fondements (Unix BSD) sont solides et éprouvés, et s’il ne fait guère de doute qu’au niveau technique, Mac OS X surclassera de loin l’actuel 9.1, le vrai défi pour Apple, avant même de songer à étendre son influence dans le monde de l’informatique professionnelle et familiale, est de ne pas perdre (trop) de ses client actuels.
Dans un premier temps, comme pour tout nouvel OS,
Mac OS X souffrira d’un manque évident de programmes
et de périphériques compatibles. Contrairement à Microsoft, qui, avec Windows Millenium par exemple, impose
souvent la réécriture immédiate des programmes pour les rendre compatibles, Apple a magistralement pallié le
manque d’applications par l’intégration pure et simple
de Mac OS 9.1 à Mac OS X, ce qui laisse tout le temps aux éditeurs de porter leurs produits en code natif pour le nouveau système. Pour les périphériques, les pilotes des plus répandus sont déjà disponibles ; les autres continueront à fonctionner
sous Mac OS 9.1.
Le point le plus épineux reste le changement d’architecture. Les utilisateurs, quels qu’il soient, sont en effet majoritairement opposés au changement de leurs habitudes ; rien n’est, il est vrai, plus énervant que de se voir modifier, voire supprimer, des fonctions que l’on utilisait de la même manière depuis des années, sous le prétexte, parfois réel, de modernisation nécessaire ; et les pertes de temps ainsi occasionnées sont particulièrement mal perçues. Cette attitude est sans doute même supérieurement développée chez celui qui utilise un Mac depuis des années ; celui qui n’a pas cédé aux sirènes de Windows 95 ou 98, par attachement à toutes ces petites choses qui rendent Mac OS unique, accepterait-t-il de ne pas les retrouver telles quelles dans Mac OS X ?
Quant au récent acheteur d’un iMac comme premier ordinateur, la présence d’un noyau UNIX dans sa coccinelle translucide ne lui importe nullement, pourvu que la légendaire simplicité d’utilisation de Mac OS ne s’en trouve pas affectée.
Coup fatal ou coup de génie ?
C’est sans doute dans la facilité de transition de Mac OS Classic à Mac OS X que se situe la clé du succès du nouveau système : dans la capacité d’Apple à avoir masqué, pas uniquement graphiquement, mais dans tout ce qui crée le « look and feel » de Mac OS, les origines UNIX. En cas d’échec, le rejet pourrait s’avérer massif et violent, et entraîner, rapidement la mort de Mac OS, et sans doute d’Apple. Inversement, une fois rassuré sur la pérennité de son environnement de travail habituel (moyennant évidemment quelque adaptation), l’utilisateur pourra alors découvrir tous les avantages de la nouveauté, en être convaincu, et les faire partager ; et Cupertino pourra rêver à l’avènement d’un âge d’or, avec un Mac pour chaque personne, sur chaque bureau, dans chaque pays.