La force d’Apple : le plaisir !
Sous ce titre volontairement racoleur et provocateur, je souhaite aborder avec vous un espoir qui vient de naître. Lorsque j’ai installé Jaguar, le système « du futur » de la firme de Cupertino, je me suis mis à rêver de la victoire d’Apple. Attention, il n’y a aucune notion de revanche dans mon propos. Je tenais à mettre en exergue la victoire de l’humain sur la machine, tout simplement, grâce à Apple.
1984 – 2002
Dix-huit ans séparent ces deux dates importantes pour la Pomme en matière de stratégie, de révolution interne (la survie de l’entreprise) et externe (son parc informatique mondial) ainsi que l’âme même de cette entreprise. Ces deux dates sont respectivement le symbole du renouveau et celui de la continuité. Elles sont réunies par un fil conducteur qui ne peut que vous sauter aux yeux, la victoire de l’homme sur une machine froide et impersonnelle.
Effectuons un bref retour en arrière que vous connaissez tous pour la plupart d’entre vous. Nous sommes en 1984, et plus exactement courant janvier. Deux personnages mythiques, Steve Jobs et Steve Wozniak, sortent de leur leurs bureux d’Infinite Loop pour lancer à la face du monde une machine révolutionnaire qui porte le nom de « Mac ». Il s’agit du Macintosh 128 k : il ne possède pas de disque dur, se présente sous la forme d’un monobloc possédant un écran noir et blanc (diagonale de 9
pouces !), un lecteur de disquettes, et un processeur Motorola 68000 cadencé à 8 MHz. Question mémoire vive, il se voit doté de 128 ko. Le prix de cette machine de rêve aux USA est de 2.495$ (près de 3963 euros).
Pendant ce temps, le PC fonctionnait avec des commandes DOS très ésotériques et il ne permettait son utilisation que par des personnes vraiment déterminées. C’est pourquoi cette toute jeune entreprise qui s’est baptisée Apple, révolutionna en ce mois de janvier 1984, le monde informatique en apportant une interface graphique, une souris et le contrôle graphique direct d’un monstre d’octets par un être humain.
La sortie de ce Macintosh 128 k venait de sceller à jamais le destin et la raison d’être de la Pomme : démocratiser l’informatique pour tous en vulgarisant son utilisation. Mais la grande force du Macintosh originel et de son interface légendaire fut d’intégrer un sentiment humain dans un objet froid et mécanique : le plaisir, le plaisir de se servir d’un outil étrange par une prise de contrôle totale et rapide.
Cette notion (le plaisir) est profondément identitaire du mammifère que nous sommes. Nous recherchons toujours le plaisir dans nos différentes activités, c’est une donnée essentielle de notre comportement. Et le domaine de l’informatique n’échappe pas à cette règle millénaire qui pousse l’être humain dans le sens du progrès.
Retournons dans le monde contemporain. Nous sommes le 24 août 2002 et l’été commence à peine à s’achever. La firme de Cupertino vient de rendre disponible via ses revendeurs un CD aux couleurs félines, MacOS X version Jaguar. La version 10.2 a été guettée, attendue avec une certaine impatience par toute la communauté informatique. C’est un deuxième tremblement de terre ; car Apple recommence l’exploit de 1984. Bien que des reproches puissent être adressé à l’entreprise pommée au sujet de la bêta payante de septembre 2000 (j’ai encore un peu de mal à l’avaler celle-là…). Apple met à la disposition de tous un outil puissant et complexe sous couvert d’une vulgarisation extrême (sa marque de fabrique) qui permet de prendre en main rapidement ce nouveau système d’exploitation. Dix-huit ans plus tard Apple existe toujours (n’en déplaise à ses détracteurs historiques et habituels) et se positionne encore comme le pionnier de l’interface graphique entre une machine froide et un être humain. Qui peut se targuer d’une telle prouesse ? Personne.
Les passionnés de Linux GNU ne peuvent pas prétendre posséder cette notion de beauté et de plaisir dans les diverses interfaces graphiques mises en place. C’est LA grande force de l’Unix d’Apple à la différence des autres systèmes Unix. Cupertino n’as pas inventé ce système, loin s’en faut, mais elle a vulgarisé au possible cette architecture complexe pour qu’un néophyte puisse l’utiliser en se basant sur ce qui a contribué à son succès en 1984 :la convivialité, la simplicité en s’affranchissant de la technique pour ne laisser la place qu’au plaisir d’utilisation, qu’au plaisir de création dans des conditions de confort optimal.
Et comme en 1984, Steve JOBS et ses équipiers se sont servis de cette notion qui domine profondément l’humain : le plaisir. Cette dernière se retrouve dans le design, dans le détail visuel, dans le toucher d’un capot d’iMac ou d’une robe grise nacrée d’un PowerMac. De même que ce sentiment humain est présent dans l’interface Aqua, imposé voir incontournable. Avant de goûter un plat vous le regardez et vous le sentez. Et bien là c’est pareil, cette recette fonctionne encore une fois. Et c’est à ce titre que je peux vous annoncer que la firme de Cupertino a gagné son pari dix-huit ans plus tard. Si 1984 fut la découverte, 2002 est la pérennisation d’une certaine vision de l’informatique : nous aider à nous servir d’un ordinateur en se basant sur une notion purement humaine.
Mais pourquoi Apple n’est pas leader ?
Nous venons d’étaler au grand jour la puissance du Macintosh qui fédère ses utilisateurs dans une grande farandole passionnée. Mais pourquoi Apple n’est pas leader dans le monde informatique alors qu’elle en est l’un des principaux pionniers ? Pourquoi ses solutions logicielles et matérielles ne font pas l’unanimité alors que l’ensemble des initiés du secteur lui concède bien volontiers son rôle de locomotive ?
Tout simplement, parce que la logique économique et humaine (encore le facteur de l’Homme…) domine cette entreprise. Nous pouvons relever un conseil d’administration opaque, une communication défaillante depuis plusieurs années, un enfermement dans un égocentrisme plus que légendaire, de mauvais choix, bref la « routine » d’une entreprise aussi importante que celle de la Pomme. Les grandes messes du Macworld sont depuis peu moins indispensables dans la politique Apple car les annonces majeures ne leur sont plus réservées. Apple a toujours vécu sur son succès et sur sa renommée de « bouche à oreilles », voir sur les bases installées de ses niches. En 1998 Steve JOBS a compris que le grand public était la seule solution pour retourner au profit, avant de s’attaquer au monde de l’entreprise avec des solutions serveurs par exemple ou de lancer la stratégie du tout numérique. C’est ce que nous pouvons observer aujourd’hui avec l’ouverture d’Apple à destination des PME-PMI ou des artisans.
Ce qui est différent aujourd’hui c’est sûrement le fait que nous ne supportons plus ces secrets d’alcôve ou le manque de communication flagrant de la part du gourou Steve JOBS. Pourquoi ce monsieur ne daigne pas prendre quelques minutes de son temps et expliquer aux utilisateurs et aux actionnaires que son entreprise doute par exemple ? Pourquoi il n’explique pas que le problème de la montée en fréquence processeur est un réel problème et que Cupertino ne sait plus trop où elle en est ? La vérité est souvent douloureuse à sortir, elle est même par moment différée pour des raisons (légitimes ou pas) de stratégie pure. Mais qu’en est-il du respect des utilisateurs, des personnes qui soutiennent la marque et sa vision depuis des années coûte que coûte ? La Pomme est vérolée à ce niveau depuis fort longtemps, elle est en train de payer l’addition de sa politique de l’autruche et de la tour d’ivoire (avec des intérêts exorbitants en sus).
Apple est seule
Le sujet de cette chronique était de focaliser sur ce point fort lié à l’utilisation de produits estampillés d’une Pomme ; ce qui fait que notre communauté est aussi forte émotionnellement parlant et tellement différente des autres communautés informatiques.
En conclusion nous pouvons affirmer que la firme de Cupertino est bien maîtresse dans son domaine: donner du plaisir à l’utilisateur d’un ordinateur, lui permettre de se servir d’outils puissants (et de libérer son éventuelle créativité) de façon transparente. Sur ce point, Apple est sans rivale depuis 1984, et elle le restera encore pendant longtemps. Apple a donc gagné ce pari fou lancé, il y a si longtemps.
Monsieur Jobs je ne vous apprécie guère (au travers de vos actes incohérents et de vos défauts « en open source » car je ne vous connais pas personnellement), mais je vous remercie sincèrement d’avoir lancé avec le sieur WOZNIAK cette aventure en 1984. Depuis 18 ans, vous nous offrez du plaisir à l’échelle humaine, et une alternative informatique. C’est pourquoi nous achetons vos produits malgré tout.
Logo d’article © Bruno Bellamy