Cède .org bon état peu servi
L’examen des projets candidats soulève le problème de la valeur sémantique à accorder à ces trois lettres. On peut en effet penser que l’Icann tente de rattraper une définition originelle plutôt laconique avant de lâcher l’un de ses petits dans la nature. Dans le document de 1994, attribuant les extensions, celle-ci est entendue comme la rubrique “Divers”, prévue pour accueillir les “organisations qui ne rentrent pas ailleurs”, dont “quelques organisations non-gouvernementales”.
Il est vrai que beaucoup d’ONG ont coulé sous les ponts depuis ce temps béni où Internet en était presque une, et que, les choses étant ce qu’elles sont, le .org est devenu le choix significatif d’un dernier carré de fidèles face à la commercialisation du si beau rêve[[MacPlus point qui ?]]. C’est pourquoi l’ICANN a cru bon d’insister, dans le cahier des charges de la réattribution, sur la “solidité technique”, la “différenciation avec le “.com”” et surtout “la promotion des actions non commerciales”, ainsi que le rapporte Le Monde.
Ce message sans équivoque s’adresse évidemment aux poissons avec des dents, qui croisent avec envie autour des deux millions et demi d’adresses déjà enregistrées. Avec, à n’en pas douter, le projet magnifique d’en faire une sorte de .com à la conscience marchande pure. Le soutien, en tout bien tout honneur, évidemment, de Microsoft au projet d’une “Dot.org Foundation” candidate justifie bien que l’on s’en alerte à Marina Del Rey.
Le véritable enjeu de toute cette affaire ne doit toutefois pas être masqué par ce qui pourrait trop facilement apparaître comme la simple tentative de rachat d’une marque un peu particulière. C’est que si persiste un Internet citoyen, communautaire, solidaire, généreux, de connaissances, d’idées, de partage[[En un mot tel qu’il a été conçu, ce qui explique l’oubli d’une catégorie qui n’avait pas lieu d’être dans la nomenclature d’alors…]], c’est sous l’enseigne du .org ou rien. En effet, pervertir ou dévaloriser le sens de cette extension priverait ses artisans, ou autres partisans d’une vie après l’argent, du moyen de pouvoir être aisément identifiés en tant que tels, et sans ambiguité. Ils se la sont appropriée, lui ont donné ses lettres de noblesse pour qu’elle soit au service des causes, et sa récupération équivaudrait à la disparition de ce qu’elle revendique.
Le choix du projet finalement retenu définira donc la place laissée “socialement” à ces défenseurs de l’Internet pionnier, mais pose d’ores et déjà la question de la représentation sociale communautariste. Celle-ci apparaîtra-t’elle dans comme un partenaire légitime du débat public, ou bien sera-t’elle réduite à un mouvement atomisé dans nos bookmarks, avec ce que cela implique de marginalisation, donc de radicalisation ? Cela pourrait bien représenter un enjeu aussi important pour l’avenir du net que des accords commerciaux internationaux dans l’orientation du processus de mondialisation.
On ne peut donc qu’être reconnaissant à l’ICANN de vouloir mettre à l’abri des convoitises son bébé le plus fidèle, mais aussi le plus fragile, en cherchant à lui garantir la qualité technique (et donc la nécessité de son financement), bien que réaffirmant sa vocation non-commerciale. C’est ce qui s’appelle essayer de sauver les meubles. Pour_nous_tous.hum
– Source et suite sur Le Monde.fr
– Les onze projets en compétition sur le site de l’ICANN
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