Apple Expo ’06 : quel bilan?
L’Apple Expo a publié des chiffres en retrait par rapport à l’an passé, comme d’ailleurs la mobilisation d’Apple dans la manifestation. S’agit-il d’un inexorable déclin ou d’un simple redéploiement? Perspectives.
Les chiffres communiqués par Apple via son agence de presse sont sans équivoque : la fréquentation du public est en net recul avec 46 210 visiteurs, de près de 20% par rapport aux chiffres officiels de l’année précédente et ses 56 000 chalands (voir la dépêche du 11 octobre). Le communiqué de presse évoque d’ailleurs de “visiteurs présents” quand les années précédentes on avait parlé de “visiteurs uniques”, sans doute pour bien marquer la différence avec les pré-inscriptions qui étaient cette année très largement en hausse?
“Pari tenu !” proclame tout de même le communiqué de presse, qui met l’accent sur la “diversité des offres présentées au public”, et sur le parcours de solutions global qu’il propose aux professionnels comme aux particuliers. En aparté, on se montre pourtant un peu amer.
Même si – officieusement – le nombre des exposants reste stable et si – toujours aussi officieusement – on se déclare satisfait “compte-tenu des investissements d’Apple France cette année“, le communiqué qui clame crânement “Pari tenu !” semble quelque peu… décalé. Est-ce justement compte-tenu de ces fameux (ou de cette absence d’investissement cette année) ? On est en tous cas loin de l’optimisme affiché par le Vice Président Apple pour l’Europe Pascal Cagni dans la préface de la plaquette de l’Expo, ou même de François Rondeau le Directeur Marketing Produits d’Apple France à mi-chemin du déroulement de celle-ci (voir la dépêche du 16 septembre). Les habitués de la manifestation n’avaient pourtant pas – ou du moins pas tous – relevé de changement notable dans la fréquentation des allées par rapport à l’année dernière (voir la perception des membre de La Rédac`dans la chronique du 18 septembre).
Si l’an passé la filiale française de La Pomme avait été étroitement investie dans la préparation de l’événement, l’implication des Ulis dans l’organisation de l’édition de cette année avait été nettement plus en retrait à l’image de la surface au sol qu’elle avait réservé pour la présentation de ses produits, les Espaces Solutions Professionnelles ayant eux pu tirer leur épingle du jeu. Si pari gagné il y a eu, on fait savoir discrètement que ç’aura en tout état de cause de réussir la gageure de maintenir la manifestation à flot, davantage sur les seules animations proposées par les partenaires : pas de Keynote une nouvelle fois, des annonces produits décalées et disponibles à J+1, des nouveautés presentées au compte-gouttes…
Comme chaque année, le communiqué du bilan ne parle d’ailleurs plus que de “1er rendez-vous IT et numérique en France”, quand celui de l’annonce faisait également mention de “1er événement Mac en Europe”. Celui-ci reste bien pourtant est-ce provisoirement ? – le 1er rendez-vous mac-centrique au niveau mondial (voir l’édito du 15 novembre 2005), même si l’édition 2006 de la MacWorld Expo a vu sa fréquentation progresser de 6% par rapport à 2005 avec à présent 38 441 visiteurs uniques. L’an passé, la MacExpo de Londres avait tout juste maintenu sa fréquentation (voir la chronique du 31 octobre 2005), Apple ayant il est vrai assez considérablement minoré l’importance de son stand au dernier moment. Or c’est précisément l’inverse qui se produit cette année (voir la dépêche du 6 octobre).
Le marché français de la Pomme en question(s)…
On a évoqué ici dès l’année dernière la possibilité d’une remise à plat de la communication de la marque à La Pomme d’une manière générale (voir la chronique du 6 septembre 2005)->art 9570], en même temps qu’un rééquilibrage des rendez-vous de La Pomme en Europe [(voir la chronique du 27 septembre 2005). C’est précisément cette redistribution des cartes en Europe que Pascal Cagni évoquait au micro de Benjamin Vincent sur Europe 1, dans l’émission Générations Technologie du 19 septembre dernier : une montée en puissance de la MacExpo de Londres, mais également de celle qui se tient de même en Allemagne depuis 3 ans au printemps. Celle-ci a d’ailleurs changé son nom ce mois-ci en “Mac live Expo”, et aura lieu cette année à Cologne du 21 au 23 juin. Est-ce tout à fait un hasard? Apple a déposé au début de l’été la marque “MacExpo”… (voir la dépêche du 4 juillet).
Le marché britannique, et on le sait peut-être moins le marché allemand avec derrière lui celui de l’Europe de l’Est se montrent beaucoup plus réactifs que le marché français de la musique numérique : c’est pourtant celui-ci qui a tiré Apple du bantoustan commercial dans lequel l’enfermait un peu plus chaque année la progression inexorable des parts de marché de Windows. Or si l’iPod a radicalement changé la donne en décillant les observateurs de l’industrie, ses partenaires et peut-être avant tout les consommateurs sur les capacités d’Apple du proposer un produit porteur des valeurs de la marque tout en attirant à lui le plus grand nombre, le marché français du petit baladeur a pris du retard. Au coude à coude avec le marché allemand voici 1 an 1/2, le marché hexagonal de l’iPod est à présent nettement distancé par son homologue germanique, pour accuser plus de 2 ans de retard sur le marché britannique – et maintenant 3 sur celui des États-Unis.—–
En cause ? L’agit’ prop’ instrumentalisée autour d’Apple et de son baladeur à l’occasion de la tragi-comédie à laquelle a donné lieu la discussion de la loi DADVSI. C’est du moins l’analyse qui a été mise en avant officiellement par le VP d’Apple Europe… même si l’on peut considérer c’est en réalité le maintien artificiel pendant 3 mois d’une véritable gabelle sur l’iPod nano pendant la plus grande partie du 4e trimestre qui a en réalité privé la filiale française de La Pomme d’une place dans l’ascenseur que représente chaque année la saison de Noël : c’est en effet à partir de ce moment-là que le différentiel a commencé de se creuser avec l’Allemagne… L’affluence et la satisfaction des équipementiers autour de l’écosystème iPod – comme le renouvellement du public présent - constatés cette année sont donc de bonnes nouvelles…
Si l’information diffusée par nos amis de MacGénération à propos de l’implantation prochaine d’un Apple Store de brique-et-mortier à Paris, Boulevard Beaumarchais, devait se révéler exacte cela signifierait que Hanover Street, au siège d’Apple Europe on a tiré les conséquences des particularités du marché français, avec des courbes d’adoption atypiques entre le petit baladeur et son échoppe en ligne d’une part, et une traditionnelle bonne santé du secteur “pro” créatif dans l’hexagone, sans parler bien entendu de celui de l’Éducation.
La photographie numérique est à présent un axe de développement prioritaire pour Apple, comme l’ont montré l’investissement de La Pomme pour la 1ére fois à la Photokina de Cologne avec la montée en puissance d’Aperture, et notamment une réponse des “pros” français du secteur cette fois très encourageante comme on a pu le constater lors de cette dernière édition de l’Apple Expo (voir la chronique du 28 septembre).
Boulevard Beaumarchais, c’est-à-dire en plein cœur du quartier historique de la photo, et maintenant de l’image et de la création au sens large, un magasin de détail Apple Store aux couleurs de la marque plus particulièrement orienté vers la création représenterait une bonne solution d’attente, le temps que la courbe d’adoption du marché grand-public français – et notamment celui de l’iPod – rattrape son retard sur celles de ses homologues européens, le temps aussi de trouver l’emplacement idéal pour l’Apple Store de prestige que la Pomme n’a toujours pas renoncé à implanter dans la ville-lumière. Encore faut-il pouvoir en justifier les investissements !
Apple a depuis plusieurs années pris pour habitude de n’investir le moindre dollar – ou le moindre euro – en marketing qu’à l’endroit et au moment où il sera le plus efficace : c’est à l’évidence à l’Est et à l’Ouest de Hexagone que les choses se passent pour le moment. S’il faut en outre investir dans un Apple Store de brique-et-mortier parisien, cela demande des ressources financières qui ne sont plus disponibles ailleurs, a fortiori pour un marché qui ne donne pas tout à fait ce qu’on attendait de lui…
Dans le même temps, avec l’estimation faite par la plupart des observateurs d’une fréquentation équivalente à celle au moins des 2 années précédentes, des polémiques sur les “vrais chiffres” n’ont pas manqués de ressurgir, au moins en sourdine. Apple a-t-elle cette fois décidé de les publier? Et si c’est le cas, dans quel but? Cela augure-t-il d’autres changements pour la filiale française d’Apple?
La marque à La Pomme et aux lèvres closes n’a pas fini d’alimenter les fantasmes, que ce soit autour de ses produits ou même autour de ses intentions. En tout état de cause, rendez-vous est pris du 18 au 22 septembre, dans le Hall 5 de la Porte de Versailles.