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Prospective

Aperture et Lightroom à la Photokina

Adobe et Apple ont présenté la nouvelle mouture de leur logiciel de post-poduction photo. Avec la maturation d’un marché en pleine expansion, les appétits s’aiguisent. Enjeux.

Boro

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La Pomme est-elle en train de gagner son pari, et de prendre durablement pied sur la terra incognita d’une post-production photo entièrement numérique? Le premier mouvement d’enthousiasme passé après l’annonce du concept à la mi-octobre 2005, les critiques avaient fusé à l’égard d’Aperture première mouture un mois plus tard, une fois plus premières boîtes du logiciel ouvertes : beaucoup trop de défauts de jeunesse pour un applicatif professionnel, destiné avant tout à la simplification des flux de production. Pas mal de gourmandise en ressource, quelques limitations et surtout, beaucoup trop de bruit numérique dans la conversion de certains types de fichiers RAW. Un comble, quand le sujet en constituait précisément la profession de foi !

Apple va rapidement corriger le tir, d’abord avec une mise-à-jour système qui va améliorer le traitement du format RAW dont une bonne part est confiée au noyau Core Image, puis avec une première mise à jour mi-décembre, puis une amélioration plus substantielle en particulier au niveau du RAW, avec le passage au format Universal Binary annoncé mi-avril et effectif début mai. Il était temps : Adobe a présenté entre-temps avec Lightroom sa propre interprétation du traitement des fichiers bruts dans un flux de production global, pensé dans l’environnement de travail d’un photographe professionnel.

Annoncé en version beta à la veille de la Macworld Conference et Expo, Lightroom montre en effet qu’Adobe qui avait été semble-t-il pris de court par le lancement d’Aperture est capable de réagir et garde son savoir-faire en matière d’image numérique. Les explications alambiquées de San Jose n’y feront rien : le logiciel est sorti en version bêta, d’abord sur la plate-forme Mac, et l’éditeur s’il était bien en train de travailler sur ce concept semble bel et bien avoir été bousculé dans son calendrier. Son produit ne manque pourtant pas de qualités, et laisse même loin derrière lui Aperture en ce qui concerne la traduction des fichiers RAW, la précision des différentes courbes… et la configuration nécessaire pour l’utiliser, grâce l’expertise acquise avec Photoshop et Camera Raw…

Les deux rivaux à nouveaux face à face

Si la Photokina qui a ouvert ses porte le 26 septembre dernier a été l’occasion pour chacun des 2 protagonistes de présenter une version singulièrement renforcée de leur applicatif de production, c’est que le rendez-vous biennal de Cologne est principal salon professionnel mondial en ce qui concerne l’image fixe, et le meilleur endroit pour s’adresser aux professionnels, et à travers eux aux amateurs passionnés, à qui Aperture et Lightroom sont destinés : pas moins de 1 600 fournisseurs de 45 pays, pour accueillir 160 000 visiteurs attendus venus de 140 pays.

Dans sa version 1.5, Aperture se positionne plus fermement comme une plate-forme, exit le principal grief qui lui était fait avec l’impossibilité de choisir et de répartir l’emplacement de sa bibliothèque de travail. Il est désormais possible d’accéder aux fichiers de travail soit dans la bibliothèque, soit sur des disques externe ou des DVD. En outre, le logiciel génère des aperçus en haute résolution qui permettent de conserver les originaux à l’abri, tout en travaillant en déplacement sur les annotations et le classement des images à partir des aperçus. Mais surtout, il se pose comme une véritable plaque tournante du flux de production :
• vers l’extérieur avec l’ajout d’une architecture de plug-ins ouverte aux développeurs et la prise en charge des métadonnées XMP qui lui permettent d’exporter ses fichier RAW vers Photoshop,
• vers ses solutions internes comme iLife et iWork.
Mais c’est peut-être davantage la localisation du progiciel en langue allemande et française qui marque à la fois le succès de ce qui n’était jusqu’à présent qu’une esquisse, et les ambitions que nourrit désormais Apple (voir l’entretien avec Oren Ziv).

Adobe est précisément un familier de ce type de positionnement, Photoshop, Acrobat, ou Flash – tombé dans l’escarcelle avec le rachat de Macromedia, s’il n’a pas à lui seul motivé l’acquisition – sont des format de fichiers ouverts et accessibles aux développeurs, sans parler du petit dernier DNG (pour Digital Negative). C’est même le fondement de la stratégie de l’éditeur, dont les produits sont présents non seulement sur Mac et sur PC et constituent une plate-forme entre les 2 plate-formes mais également de plus en plus sur les terminaux intelligents. La synergie et l’imbrication de plus en plus étroite entre les produits à l’intérieur des “Suites” renforce encore cet effet en créant des plate-formes à la fois à l’intérieur et entre les plate-formes… (voir l’entretien avec Robert Raiola)

L’éditeur de Santa Clara a bien vu venir le danger : de Mac OS où il avait d’abord été testé pour son interface sexy, Lightroom est rapidement flanqué d’un version Windows afin de pouvoir s’appuyer sur la masse critique [[il s’agit d’une figure de style]] des utilisateurs de PC. Le communiqué de presse qui accompagne la bêta n°4 annonce que l’ensemble des fonctionnalités proposées comme l’ajustement de la courbe des couleurs sont désormais les mêmes quelle que soit la plate-forme… Mais surtout, c’est l’intégration de Lightroom à la gamme Photoshop qui est mise en exergue, et fait même l’objet du titre du communiqué.

Une rapide montée en puissance de l’image numérique, entièrement dématérialisée

La toute dernière édition de l’Apple Expo a été l’occasion de constater combien la courbe d’adoption des flux de production entièrement dématérialisés était rapide désormais parmi les photographes professionnels. Au milieu des accessoires destinés à l’iPod qui tenaient le haut du pavé, toutes les étapes du processus de fabrication de l’image photographique étaient représentés, depuis le traitement logiciel du cliché jusqu’à la sortie
papier professionnelle. Studio 15 l’Apple Center parisien spécialisé dans la photo Pro avait fait cette année l’effort financier de reconstituer sur le salon un véritable studio de mode, avec mannequins, coiffeurs, maquilleuses et robe de couturiers… sans compter l’éclairage et les boîtiers. A sa grande surprise, c’est sans doute près d’un millier de contacts que Roger Dermesropian raconte avoir pris avec des professionnels…

Rien d’étonnant dès lors que Adobe ait mis son petit dernier à l’abri de la marque Photoshop, sans doute la plus reconnue dans le monde de l’image tous standards confondus. A San José, on a sans doute pas très envie de voir se répéter le scénario qui a vu Apple prendre en l’espace de 5 ans 60% du marché de la postproduction video, et contraint Adobe à arrêter le développement de Première pour Mac OS. Et les clients de l’une ou l’autre société n’en ont on s’en doute pas davantage le désir…