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Prospective

La révolution culturelle

Nous l’avons souvent souligné dans nos colonnes, le réseau des réseaux a bouleversé la donne en matière d’accès au domaine culturel. Par le simple fait de pouvoir accéder 24h/24…

MacGregor

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… à tout ce que l’on désire (vidéos, images, sons, etc.) de façon légale ou illégale, mais aussi par une transformation plus subtile de l’offre issue de l’industrie culturelle directement pour « coller » à la réalité du XXIe siècle. Le secteur culturel affronte une crise sans précédent lié à la nouvelle façon de consommer ses biens et ses services au vu de l’explosion des connexions haut débit de par le monde et de la volatilité extrême des œuvres produite.

L’industrie culturelle se transforme par obligation

L’année 2005 a été visiblement mauvaise pour les différents acteurs commerciaux du monde culturel. Le cinéma voit le nombre de ses visiteurs reculer, la vente de disques continue de chuter depuis 3 ans, même les livres se vendent moins. Pour tous les majors, la cause est entendue : le piratage via les réseaux P2P.
Mais ce bouc émissaire n’est pas le seul en cause, nous ne cessons de le répéter car les choses ne sont pas aussi simples que cela.

Les biens culturels sont en train de devenir tout simplement des biens de consommation de masse à l’instar des pots de moutarde ou des tranches de jambon fumé. Au vu des prix pratiqués depuis quelques années, nous ne pouvons que constater que l’offre voit ses tarifs baisser pour permettre d’augmenter ses profits. Et donc de permettre à de plus en plus de personnes d’accéder a des biens dits culturels au nom de la sacro-sainte égalité française. C’est une avancée positive que nous partageons presque tous… Toutefois, il ne faudrait pas alors s’étonner de voir une offre pléthorique de moins en moins alléchante, car si l’on permet à tous de s’acheter des biens culturels, il faiu bien que les producteurs puissent rentabiliser leurs produits et services. De quelle façon ? En privilégiant la quantité au détriment de la qualité, en pratiquant une médiatisation à outrance. Le bouche à oreilles ne peut plus assurer cette fonction de mise en valeur « naturelle » des œuvres de qualité.

L’effet pervers : surexposition, volatilité extrême des oeuvres

Ainsi au vu de la multiplication rapide des produits disponibles et de la profusion des nouvelles marques, le cycle de vie économique du produit est de plus en plus court ce qui est logique. Or, cela ne permet pas d’avoir la même visibilité pour un livre ou un album de musique qu’il y a 10 ans. Et fort logiquement un succès qui n’est pas rapide est de suite empêché d’éclore au vu de cette ère de consommation de masse. Ce qui au final nous conduit à constater un effet pervers induit par les professionnels de l’industrie culturelle, et ces derniers de se rabattre sans faire le moindre examen de conscience sur les « vilains pirates » de l’Internet !
Bien évidemment le phénomène de piratage des œuvres artistiques via les fonctionnalités détournées des réseaux P2P, n’arrange pas les affaires des majors et autres acteurs culturels. Et cette activité illégale n’est pas non plus une vue de l’esprit, nous sommes d’accord. Mais charger la barque des pirates pour expliquer la crise actuelle des œuvres culturelles est un peu trop facile.

Prenons l’exemple d’un cinéphile qui ne se déplace plus au cinéma car les horaires imposés et le prix de la place deviennent des handicaps. Il va préférer attendre la sortie en DVD de son film pour le visionner sur son écran de télévision (plat, petit, large, HD ou non) confortablement assis sur son canapé. A l’heure qu’il désire et au moment qui lui sied le plus : plaisir, liberté de consommer comme bon nous semble. Voici un argument qui pourrait aussi bien expliquer la baisse des entrées dans les salles obscures que les actes illégaux des pirates via les réseaux P2P.

Nous constatons aussi un rythme des sorties d’œuvres culturelles (tous supports/tous domaines) trop rapide et trop important, la rotation des stocks n’a jamais été aussi rapide. Mais cela n’est pas un gage de qualité bien au contraire, car les « bonnes » œuvres sont plus facilement noyées dans la masse de livres ou de films, déversés chaque jour dans les quatre coins de l’hexagone. Récemment un libraire me confiait qu’il ne supportait plus son métier, il était devenue en quelques années un manutentionnaire du livre et non plus un libraire. Avec pour corollaire de connaître chaque livre mis en rayons (ou presque), de conseiller le lecteur, de prendre son temps. Bref de pratiquer son activité professionnelle « à l’ancienne » en quelque sorte. Nous sommes noyés par la masse, nous sommes débordés par notre mode de consommation frénétique.

Conclusion

Nous serions en quelque sorte prisonnier de notre renouvellement permanent du plaisir, ce mode d’action privilégié depuis quelques années dans la société de consommation qui est aussi une fuite en avant. Nous arrivons peut-être aux limites de ce système, et ce serait pour cela que nous connaissons une crise sans précédent dans le domaine culturel. Dans l’attente d’un nouveau mode de consommation… ? Quoi qu’il en soit, un nouveau mode de financement et de distribution de la création (pour les livres, les CD et les films) devra sûrement être mis en place dans les mois ou les années qui viennent. Lequel ? personne ne le sait encore je pense. Car avec l’explosion des débits pour se connecter à Internet, du nombre d’abonnés, la révolution numérique n’en est qu’à ses débuts. Désigner toujours les pirates ne sert plus à rien et ne permet pas de penser aux solutions de demain pour que chaque acteur trouve son compte. Même si le téléchargement illégal doit être encore et toujours prohibé, il faudrait entamer une nouvelle révolution culturelle rapidement.