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Prospective

Le piratage, les droits d’auteur et la France

La tension monte de plus en plus fortement entre les adeptes d’Internet qui sont de plus en nombreux à télécharger (légalement ou illégalement) et les professionnels…

MacGregor

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… du secteur (producteurs de musique et de cinéma/FAI). Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il vient d’atteindre un nouveau sommet dernièrement avec la proposition gouvernementale déjà fortement controversée d’enterrer la hache de guerre.

État des lieux

Depuis 2001 il existe dans l’Union Européenne une directive que la France n’applique pas, comme bien souvent. Cette directive venait tout juste de trouver son passeport d’entrée dans les lois françaises avec le projet de loi relatif au droit d’auteurs présenté en décembre 2005 par M. Renaud Donnedieu de Vabres. Un prétexte pour permettre au législateur d’une part d’instaurer un contrôle plus ferme des consommateurs illégaux et d’autre part de faire « plaisir » aux quatre mousquetaires (Universal, Sony-BMG, Warner et EMI) qui pèsent très lourd financièrement dans la balance.

L’objectif de ce texte était à l’origine de lutter contre le piratage des œuvres artistiques via le réseau Internet. Dans cette optique il était prévu de renforcer les dispositifs de protection (les fameux DRM) et de lutter contre ceux qui les détourneraient en « cassant » lesdites protections pour diffuser les œuvres protégées. Il est légitime d’instaurer des règles et de protéger la création d’œuvres artistiques, cela est incontestable et incontesté. Mais comme bien souvent il s’agit de la méthode et des intérêts sous-jacents qui éveillent la curiosité et peuvent créer des tensions.
À peine diffusé dans l’Hémicycle, ce projet de loi venait de mettre le feu aux poudres en accentuant la fracture audio numérique entre les « libertaires » et les « liberticides », chacun s’arc-boutant sur ses positions. Les différents amendements pris par nos députés font que ce projet de loi devra être réécrit et rediscuté en février prochain.

Actuellement les solutions légales de vente de musique dématérialisée sont en plein essor, surtout pour le magasin Apple qui détient les trois quarts des parts de marché de ce secteur. Mais parallèlement, les téléchargements illégaux via les réseaux P2P continuent de prospérer de par le monde, et particulièrement en France. Ceci étant assez logique vu que le nombre d’abonnés (près de 12 millions en France au 1er janvier 2006) ne cesse de croître. Et cela n’est pas encore près de s’arrêter…

Distinguer le téléchargement et la contrefaçon… et l’hypocrisie

Il faut dans ce domaine, je pense, distinguer impérativement le consommateur qui va télécharger quelques morceaux de musique, quelques films pour lui ; de la personne qui met en place un système de pompage à grande échelle en vue d’en faire commerce. En effet, ce dernier devient alors un concurrent illégal des distributeurs et s’enrichit scandaleusement avec la vente surtaxée de films ou morceaux de musique acquis illégalement via les réseaux P2P (ou autres canaux). Aux yeux de la loi et de tous il n’est qu’un vulgaire voleur qui gagne de l’argent sur le dos de tous les maillons de la chaîne commerciale. Nous ne l’acceptons pas avec des produits non dématérialisés, pourquoi l’accepterions-nous avec des fichiers numériques ? Car cela reviendrait à légaliser le vol simple (article 311 du Code pénal) quel que soit l’objet dérobé.

Mais le bât blesse avec les consommateurs de tous les jours, ces internautes qui piochent par-ci par-là des fichiers audio ou vidéo pour leur propre consommation. Comment considérer ces personnes qui ne font pas commerce des œuvres pourtant acquises illégalement depuis leur ordinateur ? Comment considérer un internaute qui achète des CD audio à la FNAC, « vole » des MP3 sur Kazaa Lite et va régulièrement sur iTunes Music Store acheter des albums ou des morceaux de musique à l’unité ? Il sera difficile de trouver une peine appropriée pour ces personnes qui ne se sentent pas en plus coupables de commettre un délit.—–

La licence globale, utile ?

Les députés ont alors joué un tour de cochon au ministre de la Culture qui pensait tenir avec ce projet un armistice du tonnerre. Que nenni, durant une nuit d’hiver quelques députés de tous partis politiques confondus pour une fois, votassent des amendements visant à instaurer une licence globale et vider le contenu répressif du texte proposé ! En quelque sorte cette licence permettrait de rétribuer encore un peu plus les auteurs d’œuvres artistiques, mais ouvrirait les vannes du téléchargement qui ne serait plus légal ou illégal, mais libre.

Effectivement, quel intérêt alors de se rendre sur le service Apple (ou autre) pour acquérir légalement une chanson ou un album ? Si tous les mois, vous versez 5 ou 6 euros supplémentaires avec votre abonnement Internet pour vous « offrir » le droit de pomper tout ce qui bouge au travers des réseaux P2P, hormis la lenteur de téléchargement, vous n’aurez plus besoin du magasin dématérialisé de la Pomme et de ses concurrents. Car il ne faut pas oublier que le plus gros catalogue (et le plus fourni) de la planète n’est pas dans les valises de Cupertino ou des autres « vendeurs » mais bel et bien sur les réseaux P2P. Ces derniers mettent en relation des millions d’internautes et leurs disques durs via des logiciels comme Kazaa Lite, BitTorrent et autres. De plus, certains d’entre nous ne téléchargerons jamais de morceaux sur les réseaux P2P alors que d’autres continueront de faire exploser la bande passante (près de 90 % des volumes montants pour 2005). La licence globale est une idée absurde et surtout injuste pour les utilisateurs d’Internet que nous sommes.

De la même façon que l’on lutte contre les auteurs d’infractions en instaurant des règles à ne pas enfreindre, il suffirait peut-être de trouver le bon compromis entre les actes de piratage et les peines prévues pour leur répression. Ensuite, laissez vivre tout ce beau monde et lorsque l’auteur d’une infraction clairement définie par la loi sera identifié, le poursuivre pour le condamner. Que voulez-vous faire d’autre ? Éradiquer le piratage du réseau est impossible, interdire les logiciels P2P aussi. Trouver un compromis qui satisfasse l’ensemble des participants (auteurs, compositeurs, maisons de disque et de cinéma, internautes de tous bords) est aussi impossible tant le débat est passionnel et vaste car l’on s’adresse quelque part à plusieurs millions d’individus. Vouloir prendre le contrôle des autoroutes de l’information sur les réseaux P2P est une ineptie totale et un doux rêve que font les quatre mousquetaires (Universal, Sony-BMG, Warner et EMI) depuis des années…

In fine

Je suis contre cette licence globale qui apparaît pourtant à certains comme la solution la plus appropriée afin de clôre ce volet hypocrite du téléchargement illégal. Elle peut mettre en danger les solutions légales, créer une injustice parmi les utilisateurs d’Internet et surtout elle ne résoudra pas le problème actuel. Mais elle aura eu au moins le mérite de mettre en avant de façon plus claire les réels enjeux. Car il ne faut pas se leurrer, les élections législatives et présidentielle pointent leur nez en France, nous arrivons au dernier tour de chauffe avant le début de la course. Un ministre du gouvernement actuel a déclaré : « les artistes ne font pas l’élection présidentielle, mais on ne se fait pas élire contre eux… ». Ce qui veut dire que certains acteurs de la scène politique vont à tout prix vouloir contenter les internautes et les artistes tout en se conformant à la directive européenne de 2001 : la situation sera bloquée encore pour de longs mois… ?